Le 24 juin 2016, les bourses asiatiques dévissaient les unes après les autres au lendemain de l’annonce des résultats du référendum sur le Brexit[1]. Pour les Britanniques, la réaction chinoise était un signal fort qui se devait d’être scruté de près.
Sous l’impulsion du Premier ministre David Cameron (2010-2016)[2], le Royaume-Uni est devenu le premier partenaire européen de la superpuissance asiatique. Les investisseurs de cette dernière lorgnent sur la rentabilité des investissements immobiliers et sur le dynamisme économique de Londres, véritable eldorado financier qui continue de représenter, jusqu’à la prononciation officielle du divorce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni tout du moins (prévue à ce stade en mars 2019), une porte d’entrée majeure sur le marché unique. Rien de surprenant à ce que les sommes investies par des acteurs privés ou étatiques chinois au Royaume-Uni soient mirobolantes : entre 2005 et 2016, ce sont quelques 38,1 milliards de dollars de capitaux chinois qui ont été injectés dans l’économie britannique, contre 21,9 milliards seulement dans l’économie italienne – pourtant deuxième pays cible des investissements chinois en Europe[3].
Nonobstant les nombreuses connexions qui lient les économies chinoise et britannique, les marchés chinois ont accueilli avec plus de calme que leurs voisins japonais, coréens ou hongkongais la victoire inattendue du Brexit sur le Bremain. Indice boursier le plus représentatif des performances de la bourse de Shanghai, le SSE (Shangai Stock Exchange) n'a chuté que de 1,2 % le jour des résultats[4] ; dans le même temps, les indices Nikkei au Japon et Hang Seng à Hong Kong perdaient respectivement 7,92 % et 4,9 %. Non sans confesser leurs inquiétudes concernant la volatilité des taux de change et l’instabilité politique européenne, les magnats des milieux d’affaires et responsables politiques chinois ont proclamé de concert la nécessité de maintenir des liens étroits avec le Royaume-Uni.
Voici pour la devanture, où l’Empire du Milieu se montre plus confiant que les autres puissances asiatiques quant aux conséquences du Brexit. Reste qu’en coulisses, les officiels chinois ne sont pas moins prudents et pragmatiques que leurs homologues régionaux. Le déclenchement de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne par la Première ministre britannique Theresa May le 29 mars dernier a ouvert une période d’incertitudes où les partenaires du Royaume-Uni devront naviguer en eaux troubles. La Chine le sait. Il lui faut remettre à plat sa stratégie de développement sur le marché européen, dont Londres était jusqu’alors un maillon central. Quelle tournure post-Brexit prendront les relations sino-britanniques ? La négociation d’un accord de libre-échange bilatéral sera-t-elle aussi simple qu’aiment à le dire les Secrétaires d'Etat britanniques Liam Fox, responsable du Commerce international, et Boris Johnson, chargé des Affaires étrangères et du Commonwealth, selon lesquels les partenaires du Royaume-Uni « font la queue » pour négocier leur propre accord [5][6] ? La réponse est qu’en dépit de la volonté manifeste des officiels chinois de conserver avec Londres une relation de confiance, le Royaume-Uni pourrait bien essuyer quelques revers dans le long combat des négociations qui s’engage contre la Chine.
[1] VAULERIN Arnaud, « Brexit : vent de panique sur les marchés asiatiques », Libération, 24 juin 2016 : http://www.liberation.fr/planete/2016/06/24/brexit-vent-de-panique-sur-les-marches-asiatiques_1461664
[2] David Cameron a été Premier ministre conservateur du Royaume-Uni du 11 mai 2010 au 13 juillet 2016.
[3] « Cartographie des investissements chinois dans le monde », Courrier International, 10 octobre 2016 : http://www.courrierinternational.com/grand-format/infographie-cartographie-des-investissements-chinois-dans-le-monde
[4] VAULERIN Arnaud, « Brexit : vent de panique sur les marchés asiatiques », Libération, 24 juin 2016 : ibid.
[5] « Dozens of countries lining up to do free trade deals with UK says Liam Fox », Express, 19 janvier 2017 : http://www.express.co.uk/news/politics/756237/politics-brexit-liam-fox-free-trade-deals-global-britain
[6] ARIES Quentin, « Boris Johnson: Countries ‘queuing up’ for post-Brexit trade deals », Politico, 18 janvier 2017 : http://www.politico.eu/article/boris-johnson-countries-queuing-up-for-post-brexit-trade-deals/
Légende de la photo en bandeau : Philip Hammond, alors Secrétaire d'État des Affaires étrangères et du Commonwealth, rencontre le président chinois Xi Jinping lors de la visite de ce dernier à Londres en octobre 2015 © Foreign and Commonwealth Office.
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