L'édition 2017 du sommet du G20 a lieu ces 7 et 8 juillet à Hambourg, présidence allemande oblige. Les participants : 19 chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que les représentants de l'UE, Donald Tusk en tant que président du Conseil européen, et Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne. Un « club »1 donc. Un groupe autoproclamé, un processus diplomatique de négociations continues, orienté vers le sommet annuel des chefs d’État et de gouvernement. Un espace informel, « un groupe, un processus, un comité de gouvernance sans mandat »2. Pourtant, nombreux sont les regards portés vers ce sommet : ceux de la presse nationale et internationale, ceux des organisations internationales, de nombreux pays, des citoyens rassemblés pour protester contre la tenue de ce forum. Pourquoi donc autant d'attention ?
Un G20 au cœur de l'attention médiatique et citoyenne
Nombreuses étaient les unes de la presse nationale et internationale jeudi 6 et vendredi 7 juillet consacrées au G20. Plus de 4 800 journalistes de 65 pays différents sont accrédités pour couvrir le sommet, soit bien au-delà des 20 membres du G20 : quelques exemples, des journalistes du Burkina Faso, de Colombie ou du Népal sont présents. Nombreux sont les think-tanks, instituts de recherche, à avoir publié sur le sujet. Nombreux étaient les manifestants. Plusieurs milliers, réunis depuis plusieurs jours dans la ville hanséatique pour protester contre la tenue de ce sommet. Une manifestation au nom évocateur : « Welcome to Hell ». Le message est clair : non à la « mondialisation sauvage », responsable de destructions d'emplois, de la dégradation des conditions de vie, de l'accroissement des inégalités... Voire non au capitalisme lui-même, et partant à toute forme ou tentative de régulation de la mondialisation.
A 12h20 ce vendredi 7 juillet, 159 membres des forces de police étaient blessés, 45 manifestants arrêtés en marge du G20 selon l'agence de presse allemande dpa3. Des renforts étaient demandés par la police, plus de 850 policiers, en plus de tous ceux déjà sur place pour garantir la sécurité du sommet, de la ville et de ses habitants. Environ 100 000 personnes étaient attendues dans la ville hanséatique.
Le G20, une construction inédite au cœur des enjeux (de régulation) de la mondialisation
La tension est donc palpable, et ce à chaque sommet du G20, notamment depuis les violentes manifestations en marge du sommet de Pittsburgh en septembre 2009. Car les crises récentes, révélatrices des interdépendances connectant les grandes puissances développées et émergentes, ont placé le G20 au-devant du concert général des nations. Construit sur le format d’un cadre privilégié où le problème de la réforme des Nations unies n’empêcherait plus la coopération, ce Groupe a développé un dialogue de plus en plus régulier, à l’image des nombreux Sommets organisés, et de plus en plus étendu. Depuis sa création en 1999 et son auto-proclamation au niveau des chefs d’État et de gouvernement en 2008, le champ d’intérêt du G20 a largement dépassé les seules questions économiques et financières initiales, pour englober les enjeux du développement ou environnementaux. A l'image de l'agenda pléthorique de la présidence allemande cette année: « Alongside stabilising the world economy and financial markets, numerous global challenges are on the G20’s agenda, including geopolitical conflicts, terrorism and migration and refugee flows, as well as hunger, ongoing climate change and pandemics »4.
Une du Hamburger Abendblatt, 7 juillet 2017.
Washington en novembre 2008, Londres en avril 2009 : c'est surtout le G20 de Pittsburgh, sous présidence américaine en septembre 2009 qui a marqué un tournant à cet égard, sous l'impulsion notamment du nouveau président américain Barack Obama. L'enjeu était simple : ni plus ni moins de tenter d'apporter une réponse coordonnée aux conséquences de la crise économique, favoriser la coopération face aux sirènes du repli sur soi et du protectionnisme, dans un contexte de craintes de guerre des monnaies.
Le G20 vise ainsi à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d'un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant d’un certain nombre de pays. Regroupant 19 pays et une organisation régionale (l’Union européenne), les « major industrialised and emerging market economies »5, le G20 représente aujourd’hui près des deux-tiers de la population de la planète, quatre-cinquième du PIB mondial, les trois-quart du commerce mondial6. Il se présente comme le groupe rassemblant les acteurs stratégiques d’importance systémique, dont aucun processus de gouvernance mondial ne saurait se passer. Visant à permettre un processus diplomatique à même de synchroniser le fonctionnement des administrations de ses membres, à assurer un cadre pour la coopération en tant que comité de gouvernance, le G20 doit faire face à la question de sa légitimité face à ses contestations, nombreuses.
Le G20, lieu d'impulsion politique à l'échelle mondiale
Le G20 repose sur la coopération, volontaire, des pays membres. Sans lien juridique ou contractuel contraignant, sans qu’existe nécessairement une unité, il est plus hétérogène que le G7/8 par exemple. Forum de discussions, il ne constitue pas une entité unique reposant sur le consensus et la convergence d’intérêts et de visions de ses membres.
Mais il présente la particularité, par rapport à l’ensemble des « G », « groupes », « clubs », « comités », créés au fil des années pour favoriser la coopération et le dialogue entre les Etats, de rassembler à la fois des pays dits « du Nord » et des pays dits « du Sud ».
Première session de travail du G20 sur la croissance et le commerce mondial,
Hambourg, 7 juillet 2017 © Bundesregierung / Bergmann.
Si la légitimité du G20 ne peut être juridique, ni découler de la représentativité politique ou économique de ses membres, elle est à chercher ailleurs. Sa légitimation repose sur son efficacité technique évaluée par l'aptitude à trouver des solutions aux grands problèmes internationaux, sur sa capacité à intégrer les expertises pertinentes comme la critique même qui lui est faite, à construire et coordonner un réseau d’acteurs extérieurs, mettant leur expertise à contribution. Car la mondialisation peut être « a priori synonyme de dépassement de la séparation entre l’ordre interne caractérisé par la présence d’une autorité politique centrale et la sphère internationale dépourvue d’une telle autorité : en effet, à cause de l’avènement d’acteurs transnationaux aux pouvoirs, orientations, identités et réseaux diversifiés, la souveraineté des Etats par laquelle l’anarchie du niveau systémique se traduit au niveau de l’entité individuelle est exposée au risque d’être contournée, traversée, subvertie, avec pour conséquence l’érosion du système international divisé en Etats indépendants au profit de l’émergence d’une société globale d’entités interdépendantes »7.
Les organisations internationales ne s'y trompent pas. Elles sont nombreuses à participer régulièrement aux sommets du G20 : le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), le Fonds de stabilité financière (FSB en anglais), l'Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), l'Organisation mondiale du Travail (OIT), et bien sûr les Nations unies (ONU).
Car le G20, organe de discussion sans mandat, joue en réalité un rôle majeur d'impulsion politique internationale. Angel Gurría, Secrétaire général de l'OCDE, le résume : « Remember why the #G20 was created: to address global challenges through international co-operation. Let's renew this spirit in Hamburg! ».
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau et sa femme au concert donné à la Philarmonie de Hambourg, 7 juillet 2017 (c) Paul Lorgerie.
« Un énorme progrès qui n’aurait simplement pas été possible il y a quelques années »8 : ainsi José Manuel Barroso qualifiait en 2010 le fait même d’engager ces acteurs dans un processus collectif de régulation mondiale. Miroir de l’évolution du monde, le G20 constitue également un lieu d’observation et d’expérimentation des nouveaux modes et codes des relations internationales. Alors que les Etats sont amenés à s’accommoder d’une multitude de nouveaux acteurs, voire négocier et coopérer avec ces derniers, le G20 ne constitue pas un « nouveau directoire du monde », ou une institution de gouvernance mondiale, mais un forum de négociations rassemblant les responsables politiques des grandes économies internationalisées.
Ainsi « le G20 fonctionne comme un centre de recherche »9 pour répondre aux défis des mutations socio-économiques du monde, pour repenser la régulation des relations internationales, et la coopération internationale, pour repenser l’intégration de la société civile dans les discussions internationales. D'où l'attention portée aux discussions menées. Patience jusqu'à demain, samedi 8 juillet, pour les conclusions du cru 2017.
1 BADIE Bertrand, La Diplomatie de connivence : les dérives oligarchiques du système international, Paris, La Découverte, 2011, p. 128.
2 FRIANG Thomas, « Le G20 pilotera-t-il la gouvernance mondiale ? », Paris, ESCP Europe, 2011, p. 19.
3 « Police reinforcements en route as violent G20 demos rock Hamburg », 7 juillet 2017, dpa.news.
4 « Priorities of the 2017 G20 Summit », Dr. Angela Merkel, 1er décembre 2016 : https://www.g20.org/Content/DE/_Anlagen/G7_G20/2016-g20-praesidentschaftspapier-en.pdf?__blob=publicationFile&v=1.
5 « Priorities of the 2017 G20 Summit », Dr. Angela Merkel, 1er décembre 2016 : https://www.g20.org/Content/DE/_Anlagen/G7_G20/2016-g20-praesidentschaftspapier-en.pdf?__blob=publicationFile&v=1.
6 « G20 in Zahlen. Gipfel der G20-Staaten in Hamburg 2017 », Destatis, 2017 : https://service.destatis.de/G20/.
7 BATTISTELLA Dario, PETITEVILLE Franck, SMOUTS Marie-Claude, VENNESSON Pascal, Dictionnaire des relations internationales : approches, concepts, doctrines, Dalloz, 3ème éd., 2012, p. 19. 6 Ibid., pp. 19-20.
8 BARROSO José Manuel, « The G20. Putting Europe at the Centre of the Global Debate », débat en séance plénière du Parlement européen sur le G20, Strasbourg, 24 novembre 2010.
9 POSTEL-VINAY Karoline, Le G20, laboratoire d’un monde émergent, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 14.
Légende de la photo en bandeau : salle de presse du G20, Hambourg, 7 juillet 2017 (c) Paul Lorgerie.
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