Cet article a été écrit dans le cadre du partenariat entre l’Institut Open Diplomacy et touteleurope.eu.
Le partage de fardeau, qui fait partie des deux grands objectifs1 de l’Alliance avec la lutte contre le terrorisme, gagne en crédibilité. Les 28 Etats membres de l'OTAN ont renouvelé leur volonté de porter à hauteur de 2 % de PIB leurs dépenses de défense en se dotant, lors du Sommet de Bruxelles du 25 mai 2017, de plans nationaux qui seront développés dès la fin de l’année. Cet objectif, sans être nouveau, apparaît comme une opportune réponse aux exigences de Donald Trump.
Rassurer le plus gros contributeur
En réponse à l’annexion illégale de la Crimée en mars 2014, les pays alliés s’étaient engagés, lors du sommet de l’OTAN de septembre 2014, à inverser la courbe des dépenses de défense, jusqu’ici décroissante, pour atteindre la barre des 2 % de PIB d’ici 2024. Deux ans après, seuls 5 pays sur 28 (les Etats-Unis, la Grèce, le Royaume-Uni, l'Estonie et la Pologne) remplissaient ces objectifs en 2016, soulevant alors de vives critiques du nouveau président américain.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche coïncide avec la résurgence dans le débat public de cette mesure. Après avoir qualifié l’OTAN d’organisation “obsolète”2 en janvier, le président américain n’a pas manqué de rappeler lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau siège de l’OTAN le “sous-financement chronique”3 auquel étaient sujets 23 pays de l’OTAN. Avec 3,7 % de leur PIB consacrés à la défense en 2016, les Etats-Unis représentent plus de la moitié du budget de défense de l’ensemble des pays de l’Alliance. Devant cette “injustice”, Donald Trump considère que les Etats membres “doivent d’importantes sommes d’argent aux Etats-Unis”, et que la barre des 2 % n’est “pas même suffisante pour répondre au défi de la modernité ”4. En tribune, on peut sentir le vent d'irritation qui parcourt les visages des chefs d’Etat. La Ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen avait déjà répondu à D. Trump en mars 2017 en soulignant que “there is no debt account at Nato”5, sans pour autant remettre en cause le principe des 2 %.
En effet, si cet objectif semble être le nouveau chef de bataille de Donald Trump, il n’en demeure pas moins l’émanation d’une décision commune prise lors du Sommet de Newport en 2014. Pour inciter les Alliés à agir plus rapidement en conformité avec leurs engagements, des plans nationaux seront établis chaque année, le premier d’ici la fin de l’année 2017. Cette mesure est un message clair adressé aux Américains de la poursuite de l’engagement des pays membres au sein de l’Alliance. Toutefois, les réalités que ce pourcentage recouvre demeurent plus complexes qu'une simple équation budgétaire.
La règle des 2 %, la partie émergée de l'iceberg
Imaginons qu'un pays décide d'augmenter les retraites de ses militaires. L'effort budgétaire serait accru sans que le partage de fardeau sur le plan des dépenses opérationnelles, d’équipement et des opérations extérieures ne soit réellement assumé. Pour cette raison, les Alliés ont également pris pour engagement qu'au moins 20 % des investissements soient destinés à l'acquisition de nouvelles “capacités”6, soit des équipements majeurs dans le jargon militaire. Cela pour accroître la capacité à mener des opérations de guerre et non pas seulement des opérations de stabilisation ou de maintien de la paix. Huit pays, parmi lesquels la France, atteignaient cet objectif des 20 % en 2016.
Au-delà de cet effort "capacitaire", les Alliés entendent participer davantage aux missions de l'OTAN. Ce troisième volet des engagements est particulièrement précieux pour la France dont la présence sur les théâtres étrangers est importante. Le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, présente ainsi ces trois volets d’engagements “cash, capability, contribution”7 comme le moyen de faire correspondre les actes aux promesses afin de fournir une réponse efficace et adéquate aux menaces qu’affronte l’OTAN à ses frontières.
Conférence de presse du Secrétaire général de l’OTAN, 25 mai 2017, (c) Mounina Sy.
Toutefois, certaines voix discordantes viennent nuancer le bien fondé de cet appel à la dépense en matière de défense. Mise en avant lors de la 53e conférence sur la Sécurité à Munich en février 2017, une étude conduite par McKinsey8 démontre qu'un tiers de l'argent investi en Europe dans le secteur de la défense pourrait être économisé si les commandes publiques étaient mises en commun.
Dépenser mieux vs. dépenser plus
Parmi les points abordés entre Donald Trump et Emmanuel Macron lors de leur premier déjeuner bilatéral le 25 mai, le nouveau président français a fait savoir qu’il entendait être vigilant sur le caractère optimal et efficace de l’emploi des contributions. En effet, l'augmentation des 22 budgets nationaux des pays européens de l'Alliance comporte le risque de doubles emplois.
C’est dans cet esprit que l’OTAN et l’UE avaient signé en 2016 au sommet de Varsovie une déclaration commune afin de “conférer au partenariat stratégique OTAN-UE un nouvel élan et une nouvelle teneur”9. Or le sujet de la coopération avec l’Union européenne demeure le grand absent de ce sommet, évoqué à aucun moment par le Secrétaire général de l’OTAN.
Pourtant l’Union européenne fait preuve d’activisme dans le domaine de la Défense, en témoigne le plan d'action du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en septembre 2016, premier document stratégique européen paru dans ce domaine. Le document propose notamment la création d'un Fonds doté de plus de 5 milliards d'euros par an pour financer de nouvelles capacités communes qui permettrait ainsi de développer des programmes liés à la Défense comme la création d'un drone européen. Une ambition que l'on retrouve notamment dans le programme du nouveau président de la République française, Emmanuel Macron, et qui contribuerait à allouer de manière plus efficace et à moindre coût les dépenses de défense.
Si le Secrétaire général de l’OTAN a rappelé à de nombreuses reprises que la volonté de porter à 2 % les dépenses de défenses à moyen terme était issue d’un consensus, l’attention de ce sommet s’est plus portée sur l’approche transactionnelle du président américain, exigeant de ses Alliés une redevance. Ce rapport de force a contribué à l’effacement de la question d’une contribution plus efficace et de la complémentarité de l’action de l’Union européenne à celle de l’OTAN.
1 STOLTENBERG Jens, “We have two major items on our agenda: Stepping up NATO’s role in the fight against terrorism and fairer burden sharing in our Alliance”, Conférence de presse, 25 mai 2017, [en ligne], http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144083.htm, - consulté le 25 mai 2017.
2 GORDON Michael R., CHOKSHI Niraj “Trump Criticizes NATO and Hopes for ‘Good Deals’ With Russia”, The New York Times, 15 janvier 2015, [en ligne] https://www.nytimes.com/2017/01/15/world/europe/donald-trump-nato.html?_r=0, - consulté le 20 mai 2017.
3 Allocution d’inauguration du mémorial du 11 septembre, 25 mai 2017, [en ligne], https://www.youtube.com/watch?v=augh1WqTqFs&feature=youtu.be, consulté le 26 mai 2017.
4 Ibid.
5 Reuters, Germany rejects Trump's claim it owes NATO and U.S. 'vast sums' for defense, 19 mars 2017, [en ligne], http://www.reuters.com/article/us-usa-trump-germany-defence-idUSKBN16Q0D8, consulté le 26 mai 2017.
6 Communiqué de presse, “Defence Expenditure of NATO Countries (2009-2016)”, 13 mars 2017, [en ligne], http://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_2017_03/20170313_170313-pr2017-045.pdf, - consulté le 24 mai 2015.
7 STOLTENBERG Jens, conférence de presse, 25 mai 2017.
8 McKinsey, “The Future of European Defence: Tackling the Productivity Challenge”, 2014, [en ligne], file:///C:/Users/Jean%20Claude%20Roncin/Downloads/The%20Future%20of%20European%20Defence.pdf, consulté le 17 mai 2017.
9 Déclaration commune du président du Conseil européen, du président de la Commission européenne et du secrétaire général de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, 8 juillet 2016, [en ligne], http://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_133163.htm?selectedLocale=fr, consulté le 26 mai 2017.
Légende de la photo en bandeau : Recep Tayyip Erdoğan (gauche), Donald Trump et Jens Stoltenberg lors de l’inauguration du nouveau siège de l’OTAN, 25 mai 2017, (c) OTAN.
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