Le 7 octobre dernier, les Brésiliens étaient appelés à élire leur futur président ainsi que leurs députés et gouverneurs, à l’issue d’un premier scrutin. Annoncé en tête des sondages, le candidat d’extrême-droite, Jair Bolsonaro, est sorti largement vainqueur avec près de 46 % des suffrages. Ce résultat le place en position de force au moment d’aborder le second tour face à son challenger du Parti des Travailleurs (PT), Fernando Haddad, qui n’a récolté que 29 % des suffrages. Ce résultat peut s’expliquer par la crise économique qui touche le pays depuis 2013, l’insécurité croissante et les nombreux scandales de corruption qui ont peu à peu discrédités l’ensemble de la classe politique aux yeux de la population. Un tel écart peut cependant paraître surprenant lorsque l’on s’intéresse au profil de ce « Trump tropical »[1]. Comment expliquer son ascension ? Et, face à sa probable victoire, à quelle ligne politique le Brésil peut-il s’attendre ?
Le député Jair Bolsonaro au Congrès brésilien
Un nostalgique de la dictature
Ancien militaire, Jair Bolsonaro n’a jamais caché son attachement à la dictature (1964 – 1985) et son aversion pour la démocratie. Réformé de l’armée, il s’engage dans une carrière politique. Il est élu en 1990 député fédéral de l’Etat de Rio de Janeiro, poste qu’il a occupé sans interruption jusqu’à nos jours. En dépit de sa longévité politique, son activité parlementaire est demeurée relativement faible. Seules deux de ses propositions de lois, sur plus de 150, ont été retenues en 27 ans de carrière, la grande majorité de ses propositions traitant des questions militaires et de sécurité, contre seulement deux propositions sur l’éducation et une sur la santé[2]. Défendant des valeurs très conservatrices, il se fait rapidement connaître par ses déclarations tapageuses et polémiques, contre les femmes, les communautés noires et LGBT. Son caractère impulsif et les différentes polémiques qui l’entourent, contribuent peu à peu à l’isoler et l’amènent à changer régulièrement de parti, près de 9 au total. Il est par la suite rejoint en politique par ses trois fils qui constituent aujourd’hui sa garde rapprochée : Carlos, Flavio et Eduardo. Ce qui ne manque pas d’alimenter les accusations de népotisme et de présenter la famille Bolsonaro comme une entreprise politicienne florissante. Jair Bolsonaro aurait ainsi augmenté son patrimoine de 168% depuis 2006, son fils Flavio de 55% depuis 2010 et Eduardo de 432 % depuis 2014.[3] La presse lui a également reproché de recevoir une pension de l’Etat pour se loger à Brasilia alors qu’il est propriétaire de deux appartements dans la capitale brésilienne, d’avoir acquis plusieurs biens immobiliers très en dessous du prix du marché ou encore d’avoir eu recours à des emplois fictifs[4]. Bien que se présentant comme un personnage intègre, le député a également dû faire face à plusieurs accusations de corruption. On retrouve ainsi son nom sur la liste de Furnas, une entreprise brésilienne qui aurait versé 40 millions de R$ (10 millions d’euros) à près de 156 élus brésiliens pour financer leur campagne. Le candidat a nié toute implication mais l’instruction est toujours en cours. Il a également fait partie de 2005 à 2016 du Parti Progressiste, le parti le plus cité dans le Lava Jato, une enquête portant sur un gigantesque programme de corruption mêlant sphère politique et entreprises publiques. Il a également reconnu avoir reçu 200 000 R$ (50 000 euros) de la part de l’entreprise d’agro-alimentaire JBS pour sa réélection en tant que député fédéral en 2014[5]. Malgré ces différentes polémiques, les Brésiliens semblent tout à fait séduits par le personnage et son discours.
Les raisons d’une ascension
Une rapide analyse du résultat du 7 octobre montre la répartition géographique des votes. Le Sud et le centre du pays sont les régions où le candidat d’extrême-droite a réalisé ses meilleurs scores, tandis ce que le Nordeste, fief historique de la gauche, est la seule région du Brésil où Haddad est arrivé en tête. Au-delà du facteur géographique, l'électorat de Bolsonaro est majoritairement masculin, jeune, blanc, issu de la classe moyenne ou aisée et ayant fait des études[6]. Mais le discours du candidat a également séduit dans les périphéries pauvres des grandes villes brésiliennes, marquées par la violence.
Il faut dire que la violence atteint des proportions affolantes dans le pays. En 2016, plus de 60 000 homicides ont été enregistrés, soit près d’un meurtre toutes les 8 minutes. Ces chiffres placent le pays en première position, en valeur absolue, en termes d’homicides[7]. La plupart de ces meurtres ont lieu dans les favelas, où les habitants sont directement confrontés à la violence du narcotrafic mais aussi des forces de l’ordre. Bolsonaro, qui a fait d’une politique sécuritaire musclée son principal axe de campagne, se pose en tant que solution du problème. Son slogan, « un bon bandit est un bandit mort », ses origines militaires, sa promesse d’autoriser aux policiers le permis de tuer, mais surtout sa volonté de libéraliser le port d’arme, sont autant d’éléments qui rassurent une partie la population, éprouvée par la violence. Face à cela, la gauche est victime de son immobilisme, et ne propose que peu de solutions concrètes. Fernando Haddad prétend ainsi lutter contre la violence en renforçant l’éducation, ou en luttant contre les inégalités. L’intention est louable mais peut paraître insuffisante aux yeux de beaucoup de brésiliens, notamment face à l’ampleur du problème.
Policiers patrouillant à Rio, l’une des villes les plus touchées par la violence
Un des autres principaux facteurs du vote Bolsonaro réside dans la lutte contre la corruption. L’actualité est rythmée par des scandales à répétition et la légitimité des dirigeants politiques semble fortement entamée[8]. Le sentiment de « dégagisme » est très fort et largement relayé au sein de la population. Il existe une volonté réelle de voir arriver au pouvoir de nouvelles têtes, et de nouvelles méthodes. Jair Bolsonaro a réussi le tour de force de passer pour un candidat anti-establishment, malgré ses 27 années au Congrès, et intègre, malgré les affaires de malversation qui l’entourent. La corruption est en effet un obstacle majeur dans la bonne gouvernance du pays. Elle est à la fois due à des critères historiques et culturels mais aussi systémiques. Il s’agit en effet d’un régime de coalition où les alliances politiques sont nécessaires pour pouvoir gouverner ce qui s’avère un exercice compliqué dans un Parlement qui compte actuellement 27 partis entraînant une banalisation de la corruption et des arrangements fréquents entre députés. Le Brésil est également le pays où les campagnes politiques sont les plus coûteuses, après les Etats-Unis, d’où le large recours à un financement privé qui, là encore, encourage la corruption. La situation atteint des chiffres disproportionnées. L’ONU estime en 2016 que la corruption coûte plus de 200 milliards de R$[9], soit 40 milliards d’euros, soit 3% du PIB (6500 milliards de R$). Les récents scandales Lava Jato et Odebrecht ont impliqué une centaine de parlementaires brésiliens et, aujourd’hui, on dénombre 238 députés sur 513 visés par des procédures judiciaires. C’est dans ces conditions que la présidente issue du PT, Dilma Rousseff, pourtant à l’origine de lois anti-corruption, s’est faite destituée par le Parlement pour des manœuvres budgétaires. Elle a en effet signé des décrets engageant des dépenses supplémentaires, non inscrites dans la loi des finances, sans l’aval du Parlement[10]. Son remplacement par son Premier ministre Michel Temer, du PMDB[11], un parti centriste parmi les plus inquiétés par la justice, fruit d’une manœuvre politique, a été considéré comme un échec. Celui-ci cumule aujourd’hui 3% d’opinions favorables, en raison de sa politique libérale impopulaire et des nombreuses affaires qui l’ont inquiété personnellement ainsi que différents membres de son gouvernement. Plusieurs membres du PT sont également dans le viseur de la justice, d’autant plus que le parti avait été déjà impliqué en 2005 pour le scandale du Mensalão, un système d’achat de votes de députés. Cela a conduit sa figure emblématique, Lula, en prison malgré la faiblesse de l’accusation le concernant[12].
Le président intérimaire Michel Temer, et sa prédecesseure Dilma Rousseff
Le PT, au pouvoir depuis 2003, paie en effet une fin de mandat difficile. Son bilan était pourtant plutôt flatteur : les inégalités ont baissé, l’accès à l’éducation s’est largement amélioré, notamment grâce à une politique de quotas, le pays a connu des taux de croissance historiques jusqu’en 2012, le chômage a diminué et les aides sociales ont tiré de la misère plusieurs millions de Brésiliens. Le second mandat de Dilma Rousseff s’est cependant avéré très compliqué. Après des années de croissance, le pays fut rattrapé par la crise économique à cause de la chute du prix des matières premières[13], la mise en place d’une politique d’austérité et d’exonérations fiscales pour les plus riches n’a pas fonctionné[14] et la classe moyenne a vu son niveau de vie chuter[15]. Ces déconvenues ont contribué à la diffusion d’un sentiment anti-PT au sein de la population[16].
Cette crise économique s’avère être un terreau très fertile pour l’extrême-droite. La baisse du niveau de vie, l’augmentation du chômage, de l’insécurité et de la précarité conjugués à un service public défaillant ont entraîné un ras-le-bol généralisé au sein de la population. J. Bolsonaro incarne également l’espoir d’une sortie de crise. Il reconnaît lui-même ne pas comprendre grand-chose à l’économie, mais s’est entouré d’un conseiller économique de renom Paulo Guedes. Adepte d’une politique ultra-libérale, il promet la privatisation massive des entreprises publiques pour réduire la dette brésilienne, mais également une réduction du droit du travail pour relancer l’emploi. Cela risque peut-être de poser problème dans un futur proche, car J. Bolsonaro est davantage connu pour ses prises de position en faveur d’un interventionnisme d’Etat que pour un Etat minimal. Ces contradictions ne semblent toutefois pas freiner les marchés qui ont largement salué son résultat du premier tour[17].
Le candidat s’appuie également sur les nombreuses divisions sociales qui minent le pays. Le mépris de classe a toujours été de rigueur au Brésil[18], le droit de vote aux analphabètes ne fut institutionnalisé qu’en 1988, 20% du corps électoral à l’époque. L’arrivée de Lula, ouvrier métallurgiste syndicaliste, à la magistrature suprême en 2003 avait suscité de nombreuses moqueries parmi les catégories supérieures. Les habitants du Nordeste, la région la plus pauvre du Brésil, font régulièrement l’objet de plaisanteries de goût douteux. Une partie de l’électorat de droite remet également en cause la Bolsa Familia, un programme d’aide sociale sous conditions pour les familles les plus pauvres créé par Lula, arguant qu’elle favoriserait l’oisiveté des plus démunis. Le programme, qui bénéficie à près de 40 millions de Brésiliens pour seulement 0,5% du PIB brésilien, a pourtant été unanimement reconnu à l’international et désigné par l’ONU comme un exemple d’éradication de la pauvreté à moindre coût[19]. Ces divisions sociales sont également renforcées par une large diffusion du racisme, du machisme et de l’homophobie au sein de la société. Près de 30% des femmes ont affirmé avoir déjà été victimes d’agressions physiques, selon un sondage de l’institut Datafolha[20], le pays a également recensé 1133 féminicides en 2017[21], des meurtres fondés sur le critère du genre féminin, dont le célèbre cas de Marielle Franco. En parallèle, les meurtres homophobes ont bondi de 30% en 2017[22], tandis qu’un noir aura 12 fois plus de risques d’être assassiné qu’un blanc[23]. Dans ce contexte de montée de l’intolérance, la diffusion et surtout l’acceptation des propos de Bolsonaro au sein de la société brésilienne constituent un message clivant.
Marielle Franco, femme politique et militante des droits de l’Homme assassinée à Rio en 2018
Cette tendance s’est accélérée récemment. Si les premiers mandats de la gauche ont été marqués par la prospérité économique, la création de dispositifs inclusifs et l’assouplissement des mœurs, cette période actuelle de troubles économiques et sociaux a été marquée par un retour en force de la droite, notamment sur la question des valeurs. Bolsonaro se présente ainsi comme le candidat de la famille, du patriotisme et de la foi. Son slogan « le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous » a séduit au sein du plus grand pays catholique au monde, mais surtout au sein de la communauté évangélique, qui représente aujourd’hui 33% de la population. Bolsonaro est aujourd’hui soutenu par Edir Macedo, le fondateur de la très puissante Eglise Universelle du Royaume de Dieu, qui regroupe près de 8 millions de fidèles. Ce dernier est aussi propriétaire de la seconde chaîne d’information du pays : Record, média totalement acquis à la cause de Bolsonaro et sur lequel il livre ses interviews. A l’issue du premier tour, près de 70% des évangéliques ont voté Bolsonaro, suivant religieusement les recommandations des pasteurs et des principales églises[24]. Cela peut sembler paradoxal lorsque l’on sait que le candidat s’est déjà marié trois fois et n’a été baptisé qu’en 2016...
Cet état de fait vient également questionner le rapport à l’information. En 2017, une étude de l’institut Ipsos menée dans 38 pays indiquait que le Brésil était le second pays avec la plus mauvaise notion de la réalité, seulement devancé par l’Afrique du Sud[25]. Les Brésiliens regardent, en moyenne, la télévision 6 heures par jour, un des records mondiaux. Cela peut poser problème, sachant que la télévision est présente dans 95 % des foyers mais surtout que l’ensemble des médias brésiliens est possédé par quelques familles, qui disposent de fortes connexions avec le milieu politique[26]. En outre, les Brésiliens sont très connectés aux réseaux sociaux. Comme aux Etats-Unis, l’extrême-droite a parfaitement compris les opportunités induites par ces canaux de communication et les a privilégiés afin de diffuser largement ses idées, ainsi qu’un nombre considérable de fake news. La désinformation a atteint un tel niveau qu’on assiste à des débats totalement orwelliens sur Internet, stipulant par exemple qu’Hitler était de gauche ou que le PT chercherait à distribuer des « kits gays » dans les écoles en vue d’ "homosexualiser" les enfants, thèmes largement repris par Bolsonaro. D’après un sondage paru en octobre dernier, 60% de ses électeurs s’informeraient à partir de l’application de messagerie Whatsapp, soit le plus haut taux parmi les candidats[27].
La perspective d’une victoire de Bolsonaro a cependant été favorisée par un événement inattendu. Le 6 septembre dernier, il est victime du coup de couteau d’un déséquilibré lors d’un bain de foule. Il en réchappe, mais cette attaque lui offre la possibilité de se poser en martyr, rôle jusque-là réservé à Lula, en prison malgré ses 40 % d’intentions de vote. Lors du débat télévisé qui a suivi l’attaque, les différents candidats n’osent pas l’attaquer alors qu’il est encore en pleine convalescence et préfèrent se concentrer sur Haddad et le PT, mettant ainsi dos à dos le PT et Bolsonaro, contribuant alors à légitimer le discours outrancier du candidat d’extrême droite. Piètre orateur, Bolsonaro se déclare également dans l’incapacité, pour raisons médicales, de participer aux 6 débats de l’entre-deux tours contre Fernando Haddad, et qui auraient pu éventuellement inverser la tendance en pointant du doigt toutes les faiblesses du programme du candidat et sa méconnaissance des dossiers.
Un avenir incertain
Face à la victoire annoncée de Bolsonaro, les inquiétudes sont désormais nombreuses au sein d’une grande partie de la population brésilienne. La mise en place de sa politique ultra-sécuritaire, sur laquelle il joue une grande partie de sa crédibilité, peut s’avérer explosive dans un pays déjà durement frappé par la violence et où le nombre d’armes en circulation est en nette augmentation. Sa justification de la torture, son discours intolérant et sa promesse de libéraliser le port d’arme laissent au contraire envisager une recrudescence de la violence. Le résultat du 7 octobre a enhardi certains de ses électeurs, et plusieurs attaques politiques ont été recensées dans les jours suivants contre des sympathisants de gauche, journalistes ou homosexuels[28] annonçant peut-être des années noires à venir pour le Brésil. Face à ces incidents, Bolsonaro a répliqué qu’il n’incitait personne à la violence et a même rejeté la faute sur le camp de la gauche, qui d’après lui aurait fomenté l’attentat au couteau.
Au niveau économique, la politique ultra libérale de son conseiller Paulo Guedes risque de renforcer les inégalités, tout en dilapidant les principaux actifs publics du pays. Il sera toutefois intéressant de constater si Bolsonaro parvient à la mettre en place, alors qu’il s’est toujours positionné en faveur d’un interventionnisme d’Etat. D’une façon plus générale, les principaux doutes concernaient sa marge de manœuvre politique, mais l’élection du 7 octobre a permis à son parti de passer de 8 à 52 députés. De même, il pourrait trouver dans le puissant lobby des BBB[29], le plus représenté au Congrès, des alliés de poids pour gouverner. Celui-ci regroupe les grands propriétaires terriens, les partisans du port d’arme et les conservateurs religieux, autant de groupes partageant des intérêts communs avec Bolsonaro. Celui-ci risque pourtant d’être fragilisé par son caractère impulsif, et son refus total de la contradiction, mais surtout par le caractère volatile des parlementaires qui changent de candidat et de parti selon les opportunités politiques. Là encore, la situation paraît très instable d’autant plus que Bolsonaro ne cache pas sa nostalgie de la dictature, que son équipe ministérielle sera composée d’une majorité de généraux et que son vice-président, le général Hamilton Mourão, a parlé de faire un « auto-coup d’Etat », en réécrivant la Constitution sans passer par l’Assemblée[30].
Le général Hamilton Mourão, candidat de Bolsonaro à la vice-présidence du Brésil
En ce qui concerne les dossiers internationaux, Bolsonaro a déjà annoncé sa volonté de sortir de l’ONU et des accords de Paris sur le climat. La protection de l’environnement demeure d’ailleurs absente de son programme, ce qui pourrait s’avérer problématique lorsque l’on connait l’importance de la forêt amazonienne comme « poumon de la planète ». Il va même plus loin en annonçant vouloir fusionner le ministère de l’Ecologie et celui de l’Agriculture, principal responsable de la déforestation au Brésil, supprimer les agences gouvernementales de protection de l’environnement, relancer des grands projets au sein de la forêt amazonienne et notamment dans les réserves indiennes, qui seraient alors supprimées.
CONCLUSION
Comment expliquer que les Brésiliens aient choisi massivement un candidat peu brillant, homophobe, misogyne, raciste, autoritaire, et porteur d’un programme économique qui va laisser sur le côté un grand nombre de Brésiliens? La réponse a quelque chose d’irrationnel, et demeure difficile à comprendre à travers nos prismes d’analyse occidentaux. Tout d’abord, Bolsonaro a réussi à façonner un récit autour de sa personne et se présente aujourd’hui comme un parangon de vertu face à une gauche perçue comme corrompue, résolument communiste et en voie de « vénézuelaniser » le pays. Il s’agit d’une bataille de récits, que la gauche a perdue. Quand ses dirigeants multipliaient les interventions dans les médias traditionnels, Bolsonaro et ses partisans, à l’image de Trump, se sont servis des réseaux sociaux pour diffuser fake news et contre-vérités. Si les plaies ouvertes du Brésil comme la corruption, la violence ou la crise économique en ont fait un candidat présidentiable, il ne faut pas oublier qu’une partie de la population partage ses convictions et rejette en bloc l’idée d’une société multiculturelle et inclusive. Cela est d’autant plus inquiétant qu’une part importante de son électorat est jeune et largement connectée aux réseaux sociaux, ce qui traduit soit une montée de l’intolérance, soit une déconnexion toujours plus importante avec la réalité.
Ce résultat s’inscrit dans un contexte de résurgence des droites dures dans le monde, où les leaders populistes s’appuient sur les divisions sociales pour fédérer une masse de déçus autour d’eux. L’arrivée aussi soudaine d’une extrême-droite « fascisante » à la tête de la 7ème puissance mondiale doit servir de signal d’alarme à nos dirigeants pour recomposer un pacte social effectif. Enfin, à l’heure de l’urgence écologique, où seule une action collective pourrait limiter notre impact sur la planète, ces droites dures prônent des politiques carbonées et le repli sur soi.
Cette élection brésilienne demeurera hors du commun à bien des égards. Après le choc du résultat, la principale interrogation concerne désormais le mandat du probable futur président. Bolsonaro va-t-il réussir à mettre ses idées en place ? Quel impact social aura son mandat ? Economique ? Ecologique ? Dans quel état sera le Brésil dans 4 ans ?
« Top 10 » des phrases de Jair Bolsonaro
1/ « L’erreur de la dictature fut de torturer et non de tuer » (sur la dictature brésilienne de 1964 à 1985)
2/ « Pinochet aurait dû tuer plus de gens »
3/ « Je serais incapable d’aimer un fils homosexuel. Je préfère que mon fils meure dans un accident de voiture plutôt qu’il apparaisse avec un moustachu par ici. »
4/ « Je ne te viole pas parce que tu ne le mérites pas » (à la députée Maria de Rosario).
5/ (Interrogé sur la possibilité qu’un de ses fils ait une relation avec une femme noire ou un homosexuel) « Je ne cours pas ce risque, mes fils ont été très bien éduqués ».
6/ (Interrogé sur le massacre de la prison de Candiru) « La police militaire aurait dû tuer 1000 prisonniers, pas 111. »
7/ « Je ne vais pas condamner ou discriminer mais si je vois deux hommes s’embrasser dans la rue, je vais frapper ».
8/ « Si j’étais élu je ferais un coup d’Etat dans l’heure […], on ne changera rien avec le vote […] le Brésil a besoin d’une guerre civile pour évoluer. »
9/ « Un parlementaire ne prend pas le bus »
10/ « Une femme doit gagner moins à cause de la grossesse. »
[1] PHILIPS T., “Trump of the tropics: the 'dangerous' candidate leading Brazil's presidential race”, The Guardian [en ligne], disponible sur https://www.theguardian.com/world/2018/apr/19/jair-bolsonaro-brazil-presidential-candidate-trump-parallels, consulté le 15 Octobre 2018
[2] MARINI L., “Em 27 anos de Câmara, Bolsonaro prioriza militares e ignora saúde e educação”, Congresso Em Foco [en ligne], 2018, disponible sur https://congressoemfoco.uol.com.br/eleicoes/na-camara-bolsonaro-prioriza-militares-e-ignora-saude-e-educacao/, https://congressoemfoco.uol.com.br/eleicoes/na-camara-bolsonaro-prioriza-militares-e-ignora-saude-e-educacao/consulté le 15 Octobre 2018
[3] CHEREM C., “Filho de Bolsonaro aumenta patrimônio em 432% em 4 anos”, UOL Noticias [en ligne], disponible sur https://noticias.uol.com.br/politica/eleicoes/2018/noticias/2018/08/20/filho-de-bolsonaro-aumenta-patrimonio-em-432-em-4-anos.htm, consulté le 15 octobre 2018
[4] “Bolsonaro se diz vìtima de campanha pra assassinar sua reputação”, Folha de São Paulo [en ligne], disponible sur https://www1.folha.uol.com.br/poder/2018/01/1948855-bolsonaro-se-diz-vitima-de-campanha-para-assassinar-sua-reputacao.shtml, consulté le 15 octobre 2018
[5] “Ao explicar R$ 200 mil da JBS, Bolsonaro admite que PP recebeu propina: “qual partido não recebe?”, Jovem Pan [en ligne], disponible sur https://jovempan.uol.com.br/programas/ao-explicar-r-200-mil-da-jbs-bolsonaro-admite-que-pp-recebeu-propina-qual-partido-nao-recebe.html, consulté le 15 octobre 2018
[6] G1, “Pesquisa Datafolha: veja perfil dos eleitores de cada candidato a presidente por sexo, idade, escolaridade, renda e região”, G1 Globo [en ligne], disponible sur https://g1.globo.com/politica/eleicoes/2018/eleicao-em-numeros/noticia/2018/10/03/pesquisa-datafolha-veja-perfil-dos-eleitores-de-cada-candidato-a-presidente-por-sexo-idade-escolaridade-renda-e-regiao.ghtml, consulté le 15 octobre 2018
[7] G1, “Brasil tem o maior número absoluto de homicídios do mundo, diz OMS”, G1 Globo [en ligne], disponible sur http://g1.globo.com/globo-news/noticia/2014/12/brasil-tem-o-maior-numero-absoluto-de-homicidios-do-mundo-diz-oms.html, consulté le 15 octobre 2018
[8] “O brasileiro e a desilusão política”, Estadao [en ligne], disponible sur https://politica.estadao.com.br/blogs/fausto-macedo/o-brasileiro-e-a-desilusao-politica/, consulté le 15 octobre 2018
[9] “ONU diz que R$ 200 bilhões são desviados por ano no Brasil”, Jus Brasil [en ligne], disponible sur https://espaco-vital.jusbrasil.com.br/noticias/215851559/onu-diz-que-r-200-bilhoes-sao-desviados-por-ano-no-brasil, consulté le 15 octobre 2018
[10] BEDINELLI T., “Dilma não ‘pedalou’, mas autorizou decretos sem aval do Congresso, diz perícia”, El Pais [en ligne], disponible sur https://brasil.elpais.com/brasil/2016/06/27/politica/1467040634_118457.html, consulté le 15 octobre 2018
[11] Partido do Movimento Democratico Brasileiro
[12] PRAZERES L., “Denúncia da Lava Jato contra Lula tem provas ou não? Juristas respondem”, UOL Noticias [en ligne], disponible sur https://noticias.uol.com.br/politica/ultimas-noticias/2016/09/15/analise-denuncia-contra-lula-e-fragil-e-aumenta-pressao-sobre-a-lava-jato.htm, consulté le 15 octobre 2018
[13] TREVIZAN K., “Brasil enfrenta pior crise já registrada poucos anos após um boom econômico”, G1 Globo [en ligne], disponible sur https://g1.globo.com/economia/noticia/brasil-enfrenta-pior-crise-ja-registrada-poucos-anos-apos-um-boom-economico.ghtml, consulté le 15 octobre 2018
[14] CHADE J., “Dilma: 'Eu errei ao promover uma grande desoneração'”, Estadao [en ligne], disponible sur https://economia.estadao.com.br/noticias/geral,dilma-eu-errei-ao-promover-uma-grande-desoneracao,70001696541, consulté le 15 octobre 2018
[15] ROSSI A., “Desigualdade, queda na renda e desemprego entre jovens: o que o novo relatório do IDH diz sobre o Brasil”, BBC Brasil [en ligne], disponible sur https://www.bbc.com/portuguese/brasil-45504461, consulté le 15 ocotobre 2018
[16] ODILLA F., “Número de eleitores anti-PT cresce no país, aponta estudo“, Folha de São Paulo, disponible sur https://www1.folha.uol.com.br/poder/2016/02/1741508-numero-de-eleitores-anti-pt-cresce-no-pais-aponta-estudo.shtml, consulté le 15 octobre 2018
[17] TAKAR T., “Mercado aposta em privatizações com Bolsonaro, e ações de estatais disparam”, UOL Economia [en ligne], disponible sur https://economia.uol.com.br/financas-pessoais/noticias/redacao/2018/10/10/acoes-kit-eleicoes-sobem-apoio-bolsonaro-privatizacao-estatais.htm, consulté le 15 octobre 2018
[18] SOUZA J., “O problema do Brasil é o ódio ao pobre”, Le Monde Diplomatique Brasil [en ligne], disponible sur https://diplomatique.org.br/o-problema-do-brasil-e-o-odio-ao-pobre/, consulté le 15 octobre 2018
[19] “Programa Bolsa Família é exemplo de erradicação de pobreza, afirma relatório da ONU”, Nações Unidas Brasil [en ligne], disponible sur https://nacoesunidas.org/programa-bolsa-familia-e-exemplo-de-erradicacao-de-pobreza-afirma-relatorio-da-onu/, consulté le 15 octobre 2018
[20] “Mais de 500 mulheres são vítimas de agressão física a cada hora no Brasil, aponta Datafolha”, G1 Globo [en ligne], disponible sur https://g1.globo.com/sao-paulo/noticia/mais-de-500-mulheres-sao-vitimas-de-agressao-fisica-a-cada-hora-no-brasil-aponta-datafolha.ghtml, consulté le 15 octobre 2018
[21] “Segurança Pública em Números 2018”, Forum de Segurança Publica, disponible sur http://www.forumseguranca.org.br/wp-content/uploads/2018/08/FBSP_Anuario_Brasileiro_Seguranca_Publica_Infogr%C3%A1fico_2018.pdf, consulté le 15 octobre 2018
[22] SOUTO L., “Assassinatos de LGBT crescem 30% entre 2016 e 2017, segundo relatório”, O Globo [en ligne], disponible sur https://oglobo.globo.com/sociedade/assassinatos-de-lgbt-crescem-30-entre-2016-2017-segundo-relatorio-22295785, consulté le 15 octobre 2018
[23] VALENTE J., “ONU lança campanha no Brasil para alertar sobre violência contra negros”, Agencia Brasil [en ligne], disponible sur http://agenciabrasil.ebc.com.br/direitos-humanos/noticia/2017-11/onu-lanca-campanha-no-brasil-para-alertar-sobre-violencia-contra, consulté le 15 octobre 2018
[24] LAFUENTE J., “Os evangélicos vão da aliança pragmática com o PT à conversão a Bolsonaro”, El Pais [en ligne], disponible sur https://brasil.elpais.com/brasil/2018/10/07/politica/1538930780_735803.html, consulté le 15 octobre 2018
[25] STANNARD J., “The Perils of perception 2017”, IPSOS [en ligne], disponible sur https://www.ipsos.com/ipsos-mori/en-uk/perils-perception-2017, consulté le 15 octobre 2018
[26] “Oligopólios de mídia controlados por poucas famílias. A Repórteres sem Fronteiras e o Intervozes lançam o Monitoramento da Propriedade da Mídia no Brasil”, Reporteres Sem Fronteiras [en ligne], disponible sur https://rsf.org/pt/noticia/oligopolios-de-midia-controlados-por-poucas-familias-reporteres-sem-fronteiras-e-o-intervozes-lancam, consulté le 15 octobre 2018
[27] “Datafolha: 6 em cada 10 eleitores de Bolsonaro se informam pelo WhatsApp”, Veja [en ligne], disponible sur https://veja.abril.com.br/politica/datafolha-eleitor-de-bolsonaro-e-o-que-mais-se-informa-por-redes-sociais/, consulté le 15 octobre 2018
[28] MACIEL A., “Apoiadores de Bolsonaro realizaram pelo menos 50 ataques em todo o país”, Exame [en ligne], disponible sur https://exame.abril.com.br/brasil/apoiadores-de-bolsonaro-realizaram-pelo-menos-50-ataques-em-todo-o-pais/, consulté le 15 octobre 2018
[29] Boi, Biblia, Bala : littéralement le Boeuf, la Bible et la Balle
[30] “General Mourão admite que, na hipótese de anarquia, pode haver 'autogolpe' do presidente com apoio das Forças Armadas”, G1 Globo [en ligne], disponible sur https://g1.globo.com/politica/eleicoes/2018/noticia/2018/09/08/general-mourao-admite-que-na-hipotese-de-anarquia-pode-haver-autogolpe-do-presidente-com-apoio-das-forcas-armadas.ghtml, consulté le 15 octobre 2018.