En septembre 2020, l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies réaffirme la nécessité de ne laisser personne de côté dans le processus de réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD). Elle traduit la volonté des États membres de les mettre en œuvre malgré les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Celle-ci a freiné le rythme de réalisation de certains ODD, allant jusqu’à un recul sur certains objectifs. Toutefois, la pandémie représente également une opportunité pour les États de proposer des solutions pertinentes afin de renforcer la résilience des sociétés. C’est en tout cas le vœu émis par les acteurs ayant participé au Forum Politique de Haut niveau sur le développement durable (HLPF), organisé par les Nations unies en juillet 2021.
« No one left behind » : un multilatéralisme inclusif renouvelé
Après plusieurs années de critique et de mise à mal du cadre multilatéral par de nombreux acteurs, dont les États-Unis sont l’exemple le plus visible, le HLPF a été, pour de nombreux États, l’occasion de montrer leur engagement pour la réalisation des ODD dans un cadre multilatéral, en témoigne l’inclusion d’un nombre conséquent d’acteurs non étatiques aux discussions lors du forum . Cette année, 42 examens volontaires nationaux ont été soumis au Forum, ainsi que 9 examens locaux volontaires. Ces examens sont l’occasion de présenter à l'ensemble des acteurs les progrès réalisés, de partager des bonnes pratiques et de montrer une réelle volonté politique d’atteindre les ODD. La mise en œuvre de ces derniers s'opérant principalement au niveau local, l’inclusion de ces acteurs est essentielle pour renforcer efficacement la résilience des sociétés.
Cette année, au cours de ce forum, les États se sont rassemblés autour d’une partie des objectifs du développement durable, notamment les ODD1, ODD2, ODD3, ODD8, ODD10, ODD12, ODD13, ODD16 et surtout ODD17 sur les partenariats en profondeur. Une déclaration ministérielle a été adoptée réunissant l’ensemble des acteurs du forum autour de ces objectifs. Il convient de souligner la participation à ce forum de nombreux acteurs étatiques considérés comme climatosceptiques et contrariant parfois la méthode multilatérale. La Russie, ou la Chine, ont notamment tenu à organiser des événements parallèles au sein du HLPF.
La crise de la Covid-19 a pour conséquence majeure l’augmentation des inégalités et de la pauvreté. Elle entraîne ainsi une hausse des discriminations à l’encontre de certaines populations comme la communauté LGBTQI au Brésil, et a même favorisé la mise en place de mesures anti-démocratiques, comme en Hongrie. Afin de ne laisser personne de côté, ce forum a donné la parole à un ensemble d’acteurs issus de la société civile, des entreprises, des organisations non gouvernementales, etc. Par exemple, la France a inclus dans sa réflexion le Global Compact France et le Comité 21, deux Organisations non gouvernementales (ONG) indépendantes qui agissent pour la mise en œuvre des ODD sur le territoire français. Face aux reculs des droits et à l’aggravation des inégalités, les parties prenantes du forum ont pris des engagements en faveur de l’inclusion de l’ensemble de la population dans les trois sphères du développement durable énoncées par le rapport Brundtland de 1987.
Premièrement, sur le plan économique, le caractère inégalitaire du régime de croissance actuel a été souligné. Des engagements ont été pris afin de créer les conditions d’une croissance durable et inclusive par l'utilisation plus importante d'indicateurs alternatifs au PIB mettant en avant d'autres enjeux que la croissance économique. Deuxièmement, au niveau social, l’exclusion de nombreuses minorités ethniques, religieuses, sexuelles, mais aussi générationnelles a été notée. Des engagements ont également été pris pour inclure davantage la jeunesse et les femmes dans les décisions politiques. A titre d'exemple, des États du Nord comme l'Allemagne se sont engagés à intégrer la jeunesse dans les organisations consultatives relative au développement durable. Troisièmement, dans le domaine environnemental, de nombreuses populations risquent d’être laissées de côté du fait des conséquences du réchauffement climatique. La baisse de la productivité agricole et la pénurie d’eau menacent de rendre certaines régions d’Amérique latine, d’Asie du Sud-Est et d’Afrique sub-saharienne inhabitables pour l’Homme d'ici 2050. Face à ces menaces, les États et les entreprises ont pris des engagements pour respecter les objectifs de la COP21 en atteignant la neutralité carbone. L’Union Européenne s’y est engagée pour 2050, la Chine pour 2060.
Cependant, preuve de la fragilité du système multilatéral actuel, certains Etats de l’Assemblée ont tenu à se désolidariser de certains paragraphes de la déclaration. C’est le cas de la Fédération de Russie qui s’est désolidarisée des paragraphes 20, 25 et 36 pour lesquels elle demandait des amendements qui n’ont pas été retenus. La Hongrie s’est également désolidarisée du paragraphe 31 sur les politiques migratoires et sur toutes les mentions faites aux autres paragraphes des migrants. Puis, le Guatemala et l’Ethiopie se sont désolidarisés du paragraphe 8 sur la gestion hydrique en coopération transfrontalière. Ainsi, même si les Etats se sont mis d'accord, a minima, sur l’urgence d’action en acceptant une déclaration, la question du suivi de ces engagements et de leur évaluation se pose nécessairement.
Un forum prometteur qui se doit de convertir « une diplomatie de promesses » en « diplomatie d’actions »
Afin de transformer les engagements en actes, deux axes, évoqués pendant le forum, doivent être mis en œuvre au plus tôt. La responsabilisation des États et l’évaluation de leurs actions pour atteindre des ODD semblent indispensables. Ce système de suivi peut être assuré sous l’égide des organisations onusiennes, tout en impliquant les acteurs de la société civile. Si les États parviennent à développer des outils d’évaluation et de reporting, comme c’est le cas de la Finlande, de la Norvège, ou encore de l’Union Européenne, ils pourront se saisir plus facilement des enjeux et développer les réponses idoines. De plus, les outils d’évaluation ayant un objectif de transparence, la société civile pourra s’en saisir afin de demander des résultats à ses gouvernants, et de participer à la mise en œuvre des ODD.
À l’image du dispositif COVAX, sujet à de nombreuses promesses de dons qui tardent à être acheminées, le risque de ne pas voir les engagements pris par les États se traduire par des actions concrètes est réel. Ce sont notamment les pays les plus pauvres qui insistent sur le besoin de soutien financier et de partage des vaccins. Ils invitent donc les pays riches à davantage de solidarité. Certains acteurs, comme le Président de l’ECOSOC, ont même fait un appel pour reconnaître le vaccin comme bien public mondial. Hormis les engagements de l’Union européenne, de la Banque européenne d’investissement et des États membres sur ce point, peu d’autres sujets de santé publique ont été évoqués. De plus, il est regrettable que la santé ait été majoritairement reléguée au plan de la protection sociale qui ne fait pas l'unanimité. Cela a empêché ces enjeux d’être développés. À ce titre, la problématique de la mise en place d’infrastructures financières nécessaires à l’innovation médicale et celles des soins accessibles aux populations les plus à risque ont également été mises de côté.
Enfin, soulignons que l’approche « One Health » n’a pas été mentionnée dans la déclaration ministérielle. « One Health » est une approche collaborative, multisectorielle et transdisciplinaire - travaillant aux niveaux local, régional, national et mondial - dans le but d'atteindre des résultats optimaux en matière de santé, en reconnaissant le lien entre les personnes, les animaux, les plantes et l’environnement. Inscrire cette approche dans la déclaration aurait permis de placer la santé et la protection environnementale au cœur des initiatives à venir.
La lutte contre la crise environnementale en manque de mécanismes de financement
Un sujet a été particulièrement présent tout au long du HLPF : la crise environnementale. Les intervenants ont régulièrement rappelé que la pandémie représente une opportunité de reconstruire nos institutions pour faire face aux défis que constituent la perte de la biodiversité, la raréfaction de nos ressources, le dérèglement climatique et la pollution. Ils ont souligné l’importance de mettre en place des politiques de relance innovantes, conduisant à une transition économique résiliente et protectrice de l'environnement.
Certaines actions ont été entreprises dans ce sens par les États pour faire face à la crise environnementale. Celles-ci ont été présentées notamment pendant les revues nationales volontaires et locales. On a ainsi observé un fort investissement d’autres acteurs de la société, notamment dans le secteur privé. Ces acteurs se sont investis pour trouver des solutions à cette crise environnementale. L’exemple de l’adaptation à travers l’économie circulaire pronée par l’entreprise Enaleia est, à ce titre, particulièrement parlant. La participation de toutes les parties prenantes est essentielle afin de mettre en place des solutions innovantes.
Bien que certains États membres se soient engagés à la réalisation de l'Agenda 2030 et des objectifs climatiques de l’Accord de Paris, les intervenants ont rappelé que ces actions sont insuffisantes. Malheureusement, aujourd’hui ce sont les pays les plus pauvres qui font face aux conséquences les plus graves de la crise environnementale, notamment dans le secteur agricole. Cela nourrit un cercle vicieux : ces pays manquent de ressources financières pour mettre en place des projets d'atténuation et d’adaptation et restent ceux qui souffrent le plus de la situation. Ainsi, il est essentiel que les pays développés mettent à disposition des outils de financements pour soutenir les pays les moins avancés.
Alors que les intervenants ont appelé à renforcer les actions mises en place pour l'environnement, ces encouragements n’ont pas été accompagnés d’objectifs concrets et chiffrés. Le HLPF a préparé un terrain favorable à la tenue des prochaines conférences internationales sur les enjeux environnementaux, comme la COP 26 ou le sommet mondial de l’alimentation. Il a néanmoins souligné, une fois de plus, la nécessité d’accompagner les engagements internationaux d’outils de suivi et d’évaluation efficaces, au moyen de politiques de financement innovantes.
Les analyses et propos présentés dans cet article n'engagent que leurs auteurs.
Ce décryptage a été réalisé dans le cadre de la participation de ses rédacteurs au Forum politique de haut niveau sur le développement durable (FPHN) en tant que jeunes reporters au sein de la délégation officielle, en partenariat avec le Commissariat Général au Développement Durable.
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