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Entretien avec Dr Jarosław Suchoples

| Mathieu Gotteland, fellow à l’Institut Open Diplomacy

29 septembre 2023

Mathieu Gotteland, fellow à l'Institut Open Diplomacy, interroge Dr Jarosław Suchoples, senior research fellow à l'université de Jyväskylä (Finlande), spécialiste de l'histoire de la Finlande dans les relations internationales et ancien ambassadeur de Pologne en Finlande (2017-2019), sur la perspective finlandaise sur la sécurité en Europe à l’aune de la guerre en Ukraine et du trumpisme résurgent.

Quel était le sens de la neutralité finlandaise jusqu'ici ?

Je dirais que la neutralité de la Finlande a été un facteur important pour l'équilibre des forces dans le Nord pendant la Guerre froide. La Finlande, comme vous le savez probablement, a été alliée à l'Allemagne nazie. La Finlande a perdu la Seconde Guerre mondiale et s'est retrouvée dans la sphère d'influence soviétique. Néanmoins, la position de la Finlande était très spéciale, car il lui a été possible de conserver son indépendance, un ordre démocratique et une économie de marché. Mais la Finlande devait prendre en considération, et c'était le facteur le plus important de sa politique étrangère, les intérêts politiques et militaires de l'Union soviétique. C'est pourquoi la Finlande est restée longtemps neutre.

Après la Seconde Guerre mondiale, la Finlande n'a pas été en mesure de rejoindre des organisations internationales, comme, par exemple, les Nations Unies, tout comme d'autres pays vaincus. Le facteur le plus important dans ses relations bilatérales a été l'accord signé avec l’URSS sur la coopération et l'assistance mutuelle, signé en 1948. D'après ce document, la Finlande était obligée de défendre son propre territoire contre tout pays allié à l'Allemagne, pour qu'il ne puisse pas être utilisé comme voie d'accès à l'Union soviétique. Mais il a été très clair, très rapidement, que cela visait plutôt les États-Unis et l'OTAN. La Finlande n'avait donc pas d'autre option que de maintenir une stricte neutralité.

Et à certains moments, après les premières années difficiles, la neutralité finlandaise a pu être un atout. La Finlande a essayé de construire l'image d'un pays qui fasse le lien entre l'Est et l'Ouest, un pays où les dirigeants de l'Union soviétique et des États-Unis pouvaient se rencontrer et échanger leurs points de vue. Le meilleur exemple de cette politique a été la conférence qui a eu lieu à Helsinki en 1975 et où les dirigeants européens, états-unien et canadien se sont entendus sur l'Acte final de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe. Pour la Finlande, à ce moment, dans les années 1970, il était important de se présenter au monde comme un pays pacifique et neutre, comme pouvaient l'être la Suède, la Suisse, l'Autriche, qui servaient de ponts entre l'Est et l'Ouest.

Pourquoi changer de politique maintenant ?

Je pense que ç'a été un processus relativement long, qui a débuté lors de l'effondrement de l'Union soviétique en 1991. La Finlande et la Russie ont signé de nouveaux documents, un nouveau traité bilatéral, un traité de bon voisinage, qui a remplacé l'accord précédent sur la coopération et l'assistance mutuelle. La Finlande a voulu rejoindre l'Europe, et l’a effectivement rejoint l'UE en 1995.

Sur les questions sécuritaires par contre,, la Finlande est restée assez longtemps à la croisée des chemins. Les militaires voulaient rejoindre l'OTAN mais la majorité de la société finlandaise continuait à penser qu'il était plus intéressant de conserver une neutralité qui avait si bien servi le pays dans la période d'après-guerre. Ce n'est qu'au XXIe siècle qu'une série d'évènements a mené à un changement de mentalité,, et qu'une majorité de Finlandais ont voulu rejoindre l'OTAN.

Cette séquence d'événements commence en 2007 avec l'agression russe contre la Géorgie, puis en 2008 avec la cyber-attaque contre l'Estonie. Elle continue ensuite entre 2014-2015.

L’année 2014 a marqué le commencement de l'agression russe en Ukraine. En 2015 les Russes ont envoyé des groupes importants de migrants originaires du Moyen-Orient et d'Asie vers les frontières finlandaise et norvégienne.

Les Finlandais ont été surpris par cette politique alors qu’ils maintenaient une politique pacifique vis-à-vis de leur voisin oriental. Il leur était nécessaire de commercer avec les Russes. La Russie était un partenaire commercial essentiel pour la Finlande, dont la situation était presque celle d’une dépendance. D'un côté, une part importante de ses importations de pétrole provenait de Russie, et de l'autre, de nombreux produits finlandais étaient vendus sur le marché russe (maisons en bois, moteurs, etc..). Ces échanges commerciaux ne prédisaient en rien un tel acte d’agression, qui eu lieu malgré tout.

C'est alors que les Finlandais ont commencé à se demander pourquoi. Ils se sont rendus compte que la Russie pouvait déstabiliser la Finlande en envoyant des milliers de migrants à leur frontière. Il faut se souvenir que la Finlande est un pays relativement petit. Le territoire est grand, plus grand que celui de l'Allemagne ou de la Pologne, mais il n'est peuplé que de 5,6 millions d'habitants. Donc les Finlandais ont commencé à penser que si les Russes décidaient d'envoyer 200/300,000 migrants vers leur pays, ils pourraient déstabiliser le pays.

Ils ont compris que la Russie était ? une clef de la situation dans le Nord, dans le sens où une décision prise par les dirigeants russes pouvait suffire à déstabiliser leur propre pays. Donc ils ont pris peur. Et dans les années suivantes, en 2016-2017, la situation générale en Europe est devenue de plus en plus tendue avec la Russie. Les dirigeants finlandais ont commencé à dire que la Russie était une menace pour la paix, et ont commencé à amender la politique extérieure du pays. Ils se sont mis à signer un certain nombre d'accords bilatéraux, d'accords de coopération militaires avec certains pays. Les États-Unis principalement, mais aussi le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne, et bien sûr la Suède. Je dis bien sûr, car avec la Suède ils ont commencé à mener des activités militaires en commun, ont fondé des bataillons communs, des groupes navals, et à mettre en œuvre une coopération plus avancée, militaire, nordique.

Et lorsqu'en 2022 la Russie a à nouveau attaqué l'Ukraine, cela a complètement changé l'attitude de la population. Auparavant, la majorité de la société finlandaise était contre l'adhésion à l'OTAN. Désormais une majorité soutenait cette idée. La situation a été immédiatement exploitée par le commandement politique et militaire. Et après un débat interne relativement court, il a été décidé que la Finlande devait rejoindre l'OTAN en tant que membre à part entière. C'était l'aboutissement d'un processus qui a commencé après la Seconde Guerre mondiale et qui s'est terminé en 2023 avec l'adhésion. De nombreux commentateurs ont dit que c'était une décision assez rapide, mais ce n'est pas la vérité. C'était un processus relativement long mais irréversible.

Cela veut-il dire que le bellicisme russe est perçu comme une menace crédible à la sécurité de la Finlande, qu'elle soit de haute ou de basse intensité ?

Il y a quelque temps, dans les années 2010 et au début des années 2020, la Russie a été perçue comme une menace. Mais comme une menace de déstabilisation, par l'envoi de migrants, par des attaques hybrides, des cyber-attaques, pas comme une menace d'invasion classique.

Mais aujourd'hui, depuis l'invasion russe de l'Ukraine en 2022, pour les Finlandais tout est désormais possible. Il y a une ou deux semaines, le président de la Finlande, M. Sauli Niinistö, a déclaré qu'il ne pouvait pas exclure l'usage de la bombe nucléaire par la Russie contre la Finlande. L'image de la Russie s'est extrêmement dégradée. Les Finlandais pensent maintenant qu'elle est capable de tout et qu'il faut se préparer au pire. Cela passe par un renforcement de la sécurité, par l'adhésion à l'OTAN et par la coopération militaire avec les voisins, Suède, Norvège, Danemark. Un bon exemple est la décision de ces pays de concevoir en commun un avion de combat, adapté pour repousser les attaques aériennes russes. Mais il s'agit aussi de renforcer les coopérations bilatérales avec les partenaires et notamment les partenaires de l'OTAN. Aujourd'hui, la Finlande est prête à renforcer sa coopération avec l'OTAN et avec les partenaires de l'OTAN en raison de cette prise de conscience qu'avec la Russie il faut s'attendre à tout.

Le vote au parlement en faveur de l'adhésion à l'OTAN a été presque unanime. Existe-t-il encore en Finlande un parti en faveur d'un retour à la neutralité, d'un ralentissement du soutien à l'Ukraine ou d'un réchauffement des relations avec la Russie ?

Effectivement, autant que je me souvienne 187 députés sur 200 ont voté pour, certains n'étaient pas présents, et très peu ont voté contre. Aujourd'hui, je ne vois pas de parti politique en Finlande qui lève la voix contre l'adhésion à l'OTAN. Ce dossier est bouclé. Il y a eu un court débat, un vote au parlement, une décision de prise, et maintenant l'adhésion ; ce sujet n'occupe plus le débat public. La Finlande est un membre de l'OTAN, point.

Quant au soutien à l'Ukraine, comme vous le savez, il y a eu en Finlande des élections parlementaires en avril 2023. Le précédent gouvernement mené par les sociaux-démocrates, par la célèbre Sanna Marin, était à 100 % derrière l'Ukraine. Le nouveau gouvernement, mené par les libéraux-conservateurs et le Premier ministre Orpo, a adopté la même posture. M. Orpo n'est pas aussi photogénique que Mme Marin, donc l'opinion publique ne le scrute pas avec autant d'insistance, mais l'attitude de la Finlande vis-à-vis de l'invasion russe de l'Ukraine est en fait la même.

La neutralité a-t-elle encore un sens et une utilité pour un pays européen en 2023 ?

Je pense que la situation est différente aujourd'hui de ce qu'elle était pendant la Guerre froide. Pour dire vrai, il y a encore des pays qui bénéficient d'une certaine manière de leur neutralité, mais pas dans le sens où elle leur permet d'éviter les conflits. Ils cherchent simplement à avoir une marge de manœuvre un peu plus importante, même si je remarque que ce champ est de plus en plus étroit. En ce qui concerne des pays tels que la Suisse ou l'Autriche, il s'agit plutôt d'une question de psychologie nationale que d'un véritable besoin. Bien sûr, la Suisse et l'Autriche resteront probablement neutres, mais, de bien des manières, elles ont rejoint la coalition de pays qui soutiennent l'Ukraine et ils subissent une énorme pression. Par ailleurs, l'Autriche était très connectée économiquement à la Russie, et la neutralité a pu être une excuse. Ne pas rejoindre toutes les sanctions, ne pas envoyer d'armes à l'Ukraine, c'était aussi un moyen de préserver les intérêts économiques de l'Autriche. Mais si l'on compare, par exemple, l'Autriche à la Hongrie, il est difficile de dire quel pays est le plus pro-russe, pour ainsi dire, alors que la Hongrie est un membre de l'OTAN.

Maintenant que la Finlande et bientôt la Suède rejoignent l'OTAN, le club des pays neutres en Europe est beaucoup plus petit. Et c'est un signe très important : il est plus facile d'être un pays neutre lorsqu'on est la Suisse, mais ça l'est moins pour la Finlande, qui a une longue frontière avec la Russie. Il est facile d'être neutre pour un pays enclavé entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche, mais c'est aussi de moins en moins confortable à cause de la pression morale. Mais pour la Finlande et la Suède, avec leur géographie, leur côté Baltique, leur proximité avec la Russie, la neutralité, ou même le non-alignement, est devenu de plus en plus problématique pour ces pays. Être voisin de la Russie est devenu un problème pour la sécurité de ces pays. Pour l'instant, ces pays qui maintiennent la neutralité, la Suisse, l'Autriche, y trouvent encore leur intérêt. On verra dans le futur s'ils s'obstinent ou s'ils changent de politique de défense. Un autre élément est que ces pays sont comme des passagers clandestins de l'OTAN. Ces pays sont entourés par des membres de l'OTAN, qui assurent leur sécurité, mais ils préfèrent maintenir officiellement leur neutralité et rester hors de l'Alliance. C'est l'objet de nombreuses critiques, car pourquoi les Autrichiens, les Suisses devraient être protégés par l'OTAN s'ils veulent maintenir leur neutralité et rester hors de l'Alliance ? Une telle neutralité a perdu en signification depuis la fin de la Guerre froide, mais elle est encore présente. Certains pays croient encore que la tradition, leurs intérêts économiques, politiques, plaident en faveur d'un maintien de leur neutralité. Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir.

Quelle est la signification de l'adhésion finlandaise pour la Baltique et l'Arctique ?

L'adhésion à l'OTAN de la Finlande et la future adhésion de la Suède font de la mer Baltique à la fois une mer intérieure de l'OTAN. Cette situation où la mer Baltique appartient presque entièrement à la fois à l'OTAN et à l'Union européenne permet de renforcer la sécurité de toute la région. Bien sûr, la Russie conserve un accès à la mer, à Saint-Pétersbourg et aussi à Kaliningrad. Et l'OTAN et l'Union européenne doivent prendre en considération les intérêts russes dans cette région. Néanmoins, le fait est que dans les conditions actuelles, avec l'entrée de la Finlande dans ce pacte militaire défensif, la sécurité s'en trouve améliorée pour les pays de la Baltique, pas seulement en Europe du Nord, mais aussi en Europe centrale, Pologne, Lituanie, Lettonie, Allemagne, Estonie. Et d'une certaine manière, c'est aussi important pour la Russie car la sécurité de cette région est aussi la sécurité de la Russie. Même si aujourd'hui la Russie est perçue, correctement, comme un pays agresseur, en raison de l'invasion de l'Ukraine.

Concernant la région arctique, bien que la Finlande ne soit pas un pays arctique par excellence, elle a toujours eu un certain intérêt pour cette région. La Finlande est considérée comme un pays quasi-arctique et une partie du pays se situe au-delà du cercle arctique, dans l'Extrême-Nord. Et l'adhésion de la Finlande à l'OTAN renforce aussi la sécurité dans la partie européenne de cette région arctique. Car, de la même façon que dans la Baltique, une OTAN plus forte signifie plus de sécurité, spécialement aujourd'hui alors qu'il y a une compétition pour les ressources naturelles dans le Grand Nord. L'adhésion de la Finlande ainsi que de la Suède à l'OTAN vont augmenter le potentiel défensif de l'Alliance dans cette région, d'un point de vue européen mais pas uniquement. Dans les deux cas, l'adhésion de la Finlande à l'OTAN va renforcer la sécurité de ces régions.

Le président français jugeait en 2019 que l'OTAN était en état de « mort cérébrale ». L'adhésion de la Finlande et l'intérêt de la Suède et de l'Ukraine pour l'Alliance viennent-elles démentir ce diagnostic ?

Effectivement, le président Macron a dit cela en 2019, mais ces mots ont été prononcés à Paris dans un contexte spécifique. C'était trois ans avant l'invasion russe de l'Ukraine, et cela faisait référence à l'indifférence américaine pour l'OTAN, celle de l'administration Trump. À ce moment-là, l'OTAN paraissait être une relique de la Guerre froide. Mais la guerre en Ukraine a prouvé la vitalité de l'OTAN. Tout commentaire sur sa mort est encore très prématuré.

Je pense que le président Macron a tout à fait réalisé cela, que dans la situation actuelle, l'OTAN est un outil très utile pour la sécurité de l'Europe, mais aussi pour soutenir l'Ukraine, qui combat pour défendre son indépendance et sa liberté. Et sans l'OTAN, il serait beaucoup plus difficile de venir à son secours. L'OTAN est aussi un outil de dissuasion. La Russie et M. Poutine y réfléchiront à deux fois avant de s'attaquer à un pays membre de l'Alliance. L'OTAN est donc un outil au service de la défense européenne. Nous parlions plus tôt de neutralité. Ces pays neutres en Europe sont aussi défendus par l'OTAN, qu'ils soient membres de l'Union européenne ou de l'AELE. L'OTAN est un outil de sécurité, pas uniquement politique, mais aussi de mise en œuvre de cette sécurité. L'aspect militaire de l'OTAN est aujourd'hui bien plus vivace qu'en 2019. L'OTAN est importante. L'OTAN n'est pas morte. Et aujourd'hui tout le monde en Europe, y compris M. Macron, le président français, sait bien que sans l'OTAN il serait très difficile de contenir l'agression russe contre non seulement l'Ukraine, mais contre l'Europe. La situation des pays baltes serait par exemple bien plus grave si l'OTAN était morte ou n'existait pas.

L'entrée de la Finlande dans l'OTAN rapproche l'Europe du Nord de la position historique de la Pologne et des pays baltes. Cela signifie-t-il que le centre de gravité de l'OTAN et de l'UE s'est déplacé à Varsovie ?

D'une certaine manière, vous avez raison, mais la Finlande, historiquement, est le pays d'Europe centrale le plus au nord. Après la Seconde Guerre mondiale, la Finlande a voulu changer son image et est aujourd'hui perçue comme un pays d'Europe du Nord. Mais de fait, en 2015 Moscou a rappelé à la Finlande que sa neutralité, sa "nordicité" (Nordic-ness), ne vont pas de soi. Si les Russes voulaient déstabiliser le pays, ils le pouvaient et ils l'ont démontré. En ce sens, la Finlande est revenue en Europe centrale. C'était l'une des raisons de l'adhésion de la Finlande à l'OTAN, car la Finlande s'est sentie en danger. Quand l'Ukraine a été attaquée en 2022, la Finlande s'est servie de cette opportunité. C'est très clair. En ce sens, la Finlande s'est rapprochée, pas seulement de la Pologne et des riverains de la Baltique, mais de l'Europe centrale en tant que telle. L'Europe du Nord et l'Europe centrale se sont beaucoup rapprochées, mais il faut se souvenir qu'elles ont en commun la mer baltique, qu'elles y ont toutes les deux accès. Ces deux sous-régions ont toujours été proches, cela a simplement été oublié petit à petit pendant la Guerre froide, car l'Europe du Nord faisait partie du bloc de l'Ouest et l'Europe centrale était à l'Est. Bien sûr, aujourd'hui la situation est différente et les intérêts de sécurité des pays du nord et du centre du continent sont très similaires. On ne veut que la sécurité. On ne veut pas s'étendre. On ne veut pas envahir qui que ce soit. On veut simplement profiter de la sécurité au sein de la famille européenne des nations.

Est-ce que le centre de gravité de l'UE et de l'OTAN s'est déplacé à Varsovie ? C'est une très bonne question. Je dirais qu'au début de l'invasion russe de l'Ukraine, on pouvait le croire. Mais il faut aussi se souvenir de la situation politique interne d'un pays comme la Pologne. Peut-on comparer le potentiel économique, démographique, politique de la Pologne avec celui de la France ou de l'Allemagne ? Et aujourd'hui je dirais qu'en un sens, la Pologne manque sa chance. Elle manque sa chance en raison de l'attitude du gouvernement populiste envers l'Union européenne et envers l'Europe elle-même. Et je crois que pour le moment le centre de gravité ne s'est pas déplacé vers la Pologne, vers Varsovie. La Pologne est un membre important de l'OTAN et de l'Union européenne sur leur flanc est, mais nous n'avons pas capitalisé sur ce potentiel pour devenir un vrai centre de décision de l'UE et de l'OTAN à l'est.

Nous verrons ce que réserve le futur, car des élections parlementaires auront lieu dans quelques semaines. Et si elles débouchent sur un changement de gouvernement, nous verrons ce que cela signifiera pour notre politique étrangère et de sécurité, pour notre coopération avec nos partenaires européens. Pour le moment, la situation est désavantageuse. Il y a des conflits entre Varsovie et Bruxelles sur les questions de droit, l'attitude du gouvernement polonais vis-à-vis de l'UE, les questions financières. Dans tous les cas, la situation ne changera pas rapidement. On parle de longs processus historiques, économiques, sociaux, politiques. Depuis huit ans, la Pologne est en quelque sorte en opposition à l'Union européenne. La guerre en Ukraine a un peu changé la situation, mais je n'irais pas jusqu'à conclure que le centre de gravité de l'UE et de l'OTAN s'est déplacé à Varsovie. Le gouvernement polonais achète beaucoup de nouveaux armements, de tanks, d'avions, de défenses anti-aériennes etc. Mais ce n'est pas le plus important. L'inflation, actuellement, est assez haute, ce qui ne dit rien de très bon sur l'économie. Ma réponse, aujourd'hui, est non. Voyons ce que nous réservent les prochaines années.

 

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