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CETA : investissements internationaux et règlement des différends

| Antoine Petel, Fellow de l’Institut Open Diplomacy

4 juillet 2017

« Au lieu de courir comme une poule sans tête face au protectionnisme de Trump, l’Europe doit se positionner comme une Europe de valeurs sociales qui propose des échanges basés sur les besoins et le respect des citoyens, des emplois décents et le bien-être de la population »1.

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive en matière de politique commerciale, et partant d’investissements directs étrangers2. Dès lors, il revient à la Commission européenne de négocier l’ensemble des traités internationaux relatifs aux investissements au sein de l’UE. Dans le cadre de sa politique commerciale et d’investissement, cette dernière a notamment négocié pendant 7 ans avec le Canada un Accord économique et commercial global (AEGC) ou Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), signé le 30 octobre 2016, et ratifié par le Parlement européen le 15 février 2017. Plus globalement, ce traité, ainsi que son cousin le projet de traité commercial entre les États-Unis et l’UE (TAFTA), ont ouvert un large débat sur la protection de valeurs communes partagées par l’ensemble des États membres, dont la société civile s’est emparée. Au centre de ce débat, un mécanisme fortement critiqué de règlement des différends en matière d’investissement international.

C’est notamment sur ce mécanisme de règlement des différends que se fonda l’opposition du Parlement wallon avant la signature de l’accord en octobre dernier. Le Parlement wallon dominé par le Parti socialiste belge a obtenu que la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la compatibilité de ce mécanisme avec les traités de l’UE. Il appartiendra en conséquence aux juges de l’Union de déclarer ce mécanisme conforme ou non aux traités de l’UE3, sans qu’il ne soit fixé de délai à une telle décision.

Si le refus temporaire de la Wallonie d’autoriser le gouvernement belge à signer l’Accord a entraîné un malaise perceptible au sein des États européens et dans les relations canado-européennes, il a néanmoins permis de mettre en lumière l’obstacle majeur se dressant devant l’Accord CETA : en plus de la ratification par les institutions européennes, la ratification par chaque parlement national (voire régional dans certains États membres), sous peine d’inapplicabilité totale !

Car ce mécanisme arbitral doit permettre aux investisseurs ayant la nationalité d’une partie au traité, de régler un litige sans saisir le juge national4. L’objectif poursuivi est de proposer une solution rapide au litige, et sans risque de discrimination envers l’investisseur étranger.

Jusqu’au milieu de l’année 20155, la Commission européenne avait recours dans les traités commerciaux, à l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement), souvent jugé bien trop favorable aux investisseurs privés étrangers. Face à l’opposition croissante de responsables politiques et de collectifs représentant la société civile, la Commission européenne a été contrainte de modifier sa position, et a prévu l’introduction d’un nouveau mécanisme, l’ICS (Investment Court Système).

Désormais, l’ICS devrait être introduit dans tous les nouveaux traités relatifs aux investissements négociés par l’Union européenne. Quelles sont les avancées apportées par ce nouveau mécanisme, et pourquoi est-il toujours la cible de tant de critiques ?

1 Déclaration de la députée européenne Marie Arena (Belgique, S&D) à propos du Traité CETA. « CETA : le Parlement européen approuve l’accord commercial avec le Canada », 15 février 2017, Bx1.be : http://bx1.be/news/ceta-le-parlement-europeen-approuve-laccord-commercial-avec-le-canada/.

2 Article 207 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008E207:fr:HTML.

3 Le gouvernement belge a annoncé qu’il saisira la Cour de justice de l’Union européenne avant l’été 2017 pour soulever la question de la compatibilité du mécanisme de règlement des différends aux traités de l’UE. REGNIER Philippe, « Ceta : la Belgique saisira la Cour de Justice de l’UE « avant l’été » », 16 mai 2017, Le Soir :

http://www.lesoir.be/archive/recup%3A%252F1504521%252Farticle%252Factualite%252Fbelgique%252Fpolitique%252F2017-05-16%252Fceta-belgique-saisira-cour-justice-l-ue-avant-l-ete

4 Sans la compétence de l’UE et sans mécanisme arbitral, c’est le juge national qui est compétent. Après le juge national, le juge de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) peut être compétent en vertu du protocole 1er sur le droit de la propriété de la CEDH – mais c’est une épingle dans le contentieux.

5 « La Commission propose un nouveau système juridictionnel des investissements dans le cadre du TTIP et des autres négociations européennes sur les échanges et les investissements », 16 septembre 2015, site de la Direction générale du Commerce de la Commission européenne : http://trade.ec.europa.eu/doclib/press/index.cfm?id=1367&serie=991

Crédit de la photo en bandeau : Angula Berria.

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