Les 17 ODD à réaliser d’ici les quinze prochaines années dans le cadre
de l’Agenda 2030 pour le développement © ONU.
L’approche promue dans le cadre des ODD amorce un changement de paradigme dans la conception du développement. Premier défi3, les ODD sont universels et doivent donc être l’affaire de tous. Deuxième défi4 : évaluer les progrès réalisés tout en assurant l’indivisibilité des ODD reliant économie, société et environnement. Compte-tenu du grand nombre d’objectifs à réaliser, si l’on permet à chaque pays d’établir son ordre de priorité, la société civile doit pouvoir être en mesure de demander des comptes sur les progrès ou non réalisés au regard de l’Agenda global, en s’appuyant notamment sur un suivi fiable des avancements. Comment peut-on alors envisager la coopération entre les différents acteurs impliqués dans les ODD, à l’échelle nationale et au-delà ?
DÉFI N°3 : FAVORISER LA COOPÉRATION ENTRE LES DIFFÉRENTS ACTEURS DU DÉVELOPPEMENT
La coopération entre acteurs à l’échelle internationale
L’universalité des ODD appelle à la coopération entre les différents acteurs d’autant plus que certaines cibles quantifiées sont à atteindre à l’échelle mondiale. Par exemple la troisième cible du douzième objectif : « Réduire de moitié à l'échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant ». Les partenariats traditionnels entre les pays les plus riches et les autres pays restent nécessaires selon Maria Dolores Agüero, Ministre des Affaires étrangères du Honduras : « Nous sommes en train de mobiliser des ressources de notre pays de façon à réaliser les objectifs du développement mais ces ressources ne sont pas suffisantes [...] le modèle de coopération pays du Nord - pays du Sud continue donc d’être un modèle très important ». Aux côtés de ce modèle de coopération, les ODD peuvent être l’occasion de favoriser de nouveaux modes de coopérations Sud-Sud entre des pays comme la Chine, qui n’est peut-être plus tant un pays en voie de développement en tant que tel, et les autres pays du Sud, comme semble le suggérer Mario Pezzini, directeur du Centre de Développement de l’OCDE.
« Quand nous parlons de nouvelles méthodes de coopération, nous ne parlons pas de les substituer aux méthodes [qui existent] mais de les compléter » précise alors Rebeca Grysnpan, Secrétaire générale du Secrétariat général Ibéro-américain. Elle donne pour exemple son organisation de collaboration entre pays du Sud, de la région d’Amérique latine, qui se fonde sur le volontariat et la solidarité, et au sein de laquelle tous les pays sont à la fois donneurs et receveurs à différents degrés. Un exemple pour souligner la pertinence de telles coopérations régionales5 : « Les pays viennent nous voir et nous demandent si l’un d’entre nous sait résoudre un tel problème et il y en a toujours un qui est en train de le faire à ce moment-même, et pas il y a cent ans [...] Nous faisons face aux mêmes défis en termes d’institutions, en termes d’histoire, en termes de communautés ». Cette coopération entre pays aux caractéristiques socio-économiques proches peut également être intéressante pour les pays du Nord dans le but de créer un esprit d’émulation
De gauche à droite : Ulrika Modéer, Secrétaire d’État suédoise à la Coopération internationale au Développement ; Maria Dolores Agüero, Ministre des Affaires étrangères du Honduras. Cérémonie de signature d'un mémorandum d'entente afin d’établir des consultations politiques, notamment en matière de développement durable, entre la Suède et le Honduras - Bruxelles, le 8 juin 2017 (c) Youssr Youssef.
La coopération entre les différents types d’acteurs : politiques, associations et entreprises
Mais il faudra aussi envisager des coopérations thématiques, transfrontalières et pas seulement entre gouvernements nationaux. C'est par exemple une approche plus locale que favorise le Réseau mondial des villes, gouvernements locaux et régionaux. A titre d’exemple, si on considère la ville de Paris, sa maire Anne Hidalgo est membre de ce réseau de collaboration entre acteurs locaux ; elle est également à la tête de la commission du réseau sur l’égalité des sexes et présidente du groupe C40 qui réunit les 40 plus grandes villes du monde engagées dans la lutte contre le changement climatique. Au-delà des gouvernements locaux et nationaux, les parlements également ont leur rôle à jouer comme l’explique Cécile Kyenge, députée européenne membre de l’Alliance des socialistes et démocrates (S&D, gauche) : « Au niveau du Parlement européen, nous travaillons pour faire des textes législatifs, des directives en cohérence des 17 objectifs de l'Agenda 2030 ».
Les associations aussi devront être impliquées, non seulement comme acteurs de la redevabilité mais aussi comme acteurs opérationnels du changement par leurs actions de terrain qui devront servir les ODD. C’est ce dernier rôle qui incombe également aux entreprises. En tant qu’acteurs économiques et investisseurs, elles deviennent elles aussi responsables du développement. En Sierra Leone par exemple, le comité de pilotage des ODD réunit représentants d’associations et d’entreprises. Le Mexique a quant à lui mis en place une plateforme d’action commune (Sustainability Alliance) pour la réalisation des ODD, dont 80 entreprises sont membres6.
Compte-tenu de l’investissement économique nécessaire à la réalisation des ODD, l’implication du secteur privé est au cœur des discussions et les Journées européennes du développement n’ont pas fait exception. Lors de la cérémonie de clôture, Markus Beyrer, Directeur général de l’association patronale BusinessEurope, a souligné l’importance de l’implication des grandes entreprises « parce qu’elles peuvent donner de l’élan », notamment en évoquant, à travers son expérience professionnelle, le cas d’entreprises européennes présentes en Afrique. Alors que Laura Sullivan, Vice-présidente du réseau d’ONG CONCORD, a préféré insister sur le rôle des petites et moyennes entreprises « qui créent réellement de l’emploi », et tout particulièrement du secteur privé national comme une « réelle clef pour créer un développement durable à long-terme ». Car « l’effet de ruissellement », c’est-à-dire l’idée que la richesse des uns bénéficient aux plus pauvres grâce à la croissance, « n’a pas nécessairement lieu ». Elle appelle donc chacun à avoir un regard critique : « [la relation entre] croissance économique et secteur privé fonctionne-t-elle réellement et pourrait-elle fonctionner d’une autre façon ? ». Elle suggère enfin qu’il est temps de passer de l’approche TINA (There Is No Alternative, « Il n’y a pas d’alternative », slogan attribué à Margaret Thatcher, Première ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990) à l’approche TAMARA (There Are Many Alternatives Readily Available, « Il y a de nombreuses d’alternatives facilement accessibles »).
Faire que chacun, partout à travers le monde, puisse se sentir impliqué dans l’Agenda 2030, évaluer régulièrement et de manière fiable les progrès accomplis pour pouvoir se donner des objectifs plus ambitieux, et enfin coopérer entre différents acteurs malgré l’hétérogénéité économique, sociale et les différences d’intérêts, des gouvernements et parlements aux associations en passant par les entreprises, voilà trois défis qu’il faudra relever pour pouvoir réaliser les 17 Objectifs du Développement durable d’ici 2030. Ces défis tiendront-ils la route malgré tous les changements des quinze prochaines années à venir ? Il le faut, selon Alaa Murabit, membre du groupe des Défenseurs du Développement durable : « Ce n’est pas un agenda prévu seulement pour un jour, une semaine ou même un an, c’est un cadre. Il y aura de nouvelles urgences, de nouvelles crises, il y aura de nouveaux chefs d’État, les choses vont radicalement changer [...] C’est un [agenda] que nous devrons maintenir en dépit de tout cela [pour qu’]il fasse partie intégrante de nos stratégies ».
1 GALATSIDAS Achilleas, SHEEHY Finbarr, « What have the millennium development goals achieved ? », The Guardian, 6 juillet 2015 [en ligne], https://www.theguardian.com/global-development/datablog/2015/jul/06/what-millennium-development-goals-achieved-mdgs - consulté le 10 juin 2017.
2 Les 17 Objectifs du Développement durable se déclinent en 169 cibles au total. 43 d’entre elles sont des cibles de moyens (comme les réformes du commerce international), le reste sont des cibles de résultats à obtenir. Ces cibles de résultats sont très souvent quantifiées, quelquefois non (par exemple « assurer la viabilité des systèmes de production alimentaire ») et plus rarement de nature « aspirationnelle » (comme atteindre le plein-emploi). A un troisième niveau, chaque cible est dotée d’indicateurs de suivi qui sont en cours de développement.
3 YOUSSEF Youssr, « Agenda 2030 des Nations unies : 3 défis qu'il faudra relever (1/3) », Open Diplomacy, 20 juin 2017 [en ligne], http://www.open-diplomacy.eu/blog/agenda-2030-des-nations-unies-3-defis-qu-il-faudra-relever-1-3
4 YOUSSEF Youssr, « Agenda 2030 des Nations unies : 3 défis qu'il faudra relever (2/3) », Open Diplomacy, 26 juin 2017 [en ligne], http://www.open-diplomacy.eu/blog/agenda-2030-des-nations-unies-3-defis-qu-il-faudra-relever-2-3
5 Le SDG Index élaboré par le Sustainable Development Solutions Network et la Fondation Bertelsmann compare les pays pour chacun des 17 ODD, et intègre une approche de comparaison régionale :http://sdgindex.org/data/index/
6 VAILLE Julie, DEMAILLY Damien et BRIMONT Laura, « Mise en oeuvre des ODD : que font les pays ? », IDDRI, décembre 2016.
Légende de la photo en bandeau : de gauche à droite, Louis Michel, député européen ; Daniel Kablan Duncan, Vice-président de la Côte d’Ivoire © Union européenne.
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