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OTAN : vers un nouveau plan d’action dans la lutte contre le terrorisme

par Mounina Sy, reporter de l'Institut Open Diplomacy au sommet de l'OTAN le 25 mai 2017 en partenariat avec Toute l'Europe

29 mai 2017

Cet article a été écrit dans le cadre du partenariat entre l’Institut Open Diplomacy et touteleurope.eu.

Le récent attentat de Manchester le 22 mai dernier a mis à nouveau la lutte contre le terrorisme sur le devant du débat public et au cœur des préoccupations des dirigeants. Ce combat, en plus d’être mené au niveau national, tient désormais un rôle grandissant à l’échelle supranationale, surtout auprès des organisations internationales telles que l’OTAN.

Le 25 mai dernier, l’Alliance atlantique se réunissait lors d’un sommet inédit à bien des égards, où cette question de la lutte contre le terrorisme a été centrale, au-delà ne l’actualité récente. Malgré des divergences, un renforcement de l’action de l’OTAN contre le terrorisme a été prôné, et ce par l’ensemble des alliés. La question est désormais de savoir la forme que va prendre ce nouvel engagement et expliciter la mesure dans laquelle ce dernier pourrait être efficace.

Un engagement approfondi dans la lutte contre le terrorisme

Conférence de presse du Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, 25 mai 2017, Bruxelles (c) Mounina Sy.

Le 25 mai, nombreuses ont été les discussions autour de la forme que devrait prendre la lutte contre le terrorisme. Faire passer un message politique fort, tel était l’objectif premier des chefs d’État et de gouvernement des 28 Etats membres réunis à Bruxelles. Le Secrétaire général Jens Stoltenberg a donc souligné dès l’ouverture de l’évènement le nouveau plan d’action de l’OTAN : « Intensifier le rôle de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme et rétablir un paiement plus équitable des dépenses de l’Alliance »1. Pour répondre voire anticiper contre ces nouveaux défis contemporains, tous les membres de l’Alliance se sont montrés unanimes dans leur volonté de renforcement de la coopération.

Et pour la première fois, l’OTAN a accepté de prendre part à la Coalition internationale contre le groupe armé État islamique (EI) qui opère en Syrie et en Irak. « Nous avons décidé que l’OTAN deviendra un membre à part entière de la Coalition Internationale, Coalition dont l’ensemble des 28 alliés fait déjà partie »2 : c’est donc un signal vigoureux de l’engagement de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme. L’Allemagne et la France, dans un premier temps plutôt réticentes, ont finalement accepté d’appuyer cette décision, notamment en raison des récents attentats. « Nous nous devons de travailler ensemble pour assurer la sécurité de nos citoyens »3 a affirmé le Premier ministre Canadien Justin Trudeau. Et par ailleurs, l’Alliance sera désormais présente dans les délibérations politiques de la coalition, partie prenante sur ce qui inclut les questions de logistique et de coordination des entraînements, comme de renforcement des capacités.

Cependant, Jens Stoltenberg a bien souligné que « le fait que l’OTAN intègre la coalition ne signifie cependant pas qu’elle participera aux combats »4. Car l’OTAN est bel et bien une organisation politico-militaire avant tout de défense, même si elle peut à avoir à répondre aux crises qui se présentent et les prévenir. Rejoindre la coalition contre Daesh suppose donc de nombreux ajustements au niveau de la stratégie et un renouvellement, voire un approfondissement des instruments de l’OTAN en la matière. L’Alliance atlantique se tourne désormais vers un nouveau plan d’action qui inclut plusieurs mesures, à la suite de celui mis en œuvre en 2002 dans la lutte contre le terrorisme.

Vers un plan d’action concret ?

Ce plan préconise un renforcement et un ajustement protéiforme : tout d’abord le Secrétaire général a mentionné un déploiement dans les pays à risques, d’équipes plus mobiles que dans les missions précédentes, et dans le cadre des opérations spéciales de l’OTAN5. En outre, un prolongement de la mission en Afghanistan a été décidé, avec la possibilité d’augmenter l’effectif des troupes de cette même mission, soit environ 13 300 hommes actuellement.

La logistique et le matériel du système aéroporté de détection et de contrôle (AWACS) de l’OTAN va être mis à profit par la Coalition internationale, l’un des seuls moyens militaires qui appartient effectivement à l’OTAN et qui est exploitée par cette dernière. Crée en 1978, cette flotte constituée de Boeing E-3A (« sentinelles ») exerce des missions diverses de surveillance, de prévention et de réponse face aux crises. C’est l’un des seuls moyens militaires qui appartient effectivement à l’OTAN et qui est exploitée par cette dernière. Ces AWACS ont été récemment utilisés lors de la crise entre la Russie et l’Ukraine, mais également dans une certaine mesure pour la Turquie dans la crise syrienne. Pour la coalition internationale, les AWACS ont une fonction de surveillance et de renseignement (par le partage des données).

L’entraînement des forces irakiennes sera également prolongé. Une division de renseignement de l’OTAN nouvellement créée sera chargée de mieux anticiper les menaces et de contribuer à l’amélioration du partage des données entre alliés. Un coordinateur spécial pour la lutte contre le terrorisme sera d’ailleurs nommé à cette occasion.

Enfin, un pôle Sud a été ouvert à Naples dans le Commandement allié de force interarmées de l’OTAN. Il doit permettre de mieux se saisir des défis qui émanent du Sud et de pouvoir y répondre de la manière la plus efficace possible.

L’ensemble de ces mesures va s’articuler autour de la mise en place de plans nationaux annuels. Ces derniers sont des outils pour approfondir l’engagement de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme, en garantissant une hausse des budgets de défense. L’objectif est double : lancer un message politique mais également opérationnel6 en s’unissant et en fournissant une plateforme adaptée au défi de la lutte anti-terroriste.

L’échec prématuré d’une action multilatérale ?

Réunion de travail avec l’ensemble des Alliés lors du sommet de Bruxelles, 25 mai 2017 © OTAN.

Le développement des capacités de lutte contre le terrorisme ne vas pas sans mettre en lumière les divergences et les limites mêmes de l’OTAN. Comment articuler une coordination efficace avec une multitude d’acteurs ? L’OTAN coopère d’ores et déjà avec plus de 40 partenaires extérieurs, sous des formes diverses. En marge due ce sommet de Bruxelles, une coopération plus approfondie entre l’OTAN et l’UE aurait pu être envisagée, notamment en intensifiant les échanges d’informations avec la Section Contre-terrorisme du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), avec le bureau du Coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme ainsi que d’autres entités. Mais cela n’a donné lieu à aucun propos explicite de la part des dirigeants réunis le 25 mai dernier. Entre actions multilatérale, unilatérale, inter-organisationnelle, une réponse précise et définie peine à se dessiner. Comme le rappelle un diplomate français sous couvert d’anonymat, la France reste ferme sur son propos et affirme que ce combat contre le terrorisme est tout d’abord national. Cependant cette même source précise que l’OTAN détient une « valeur ajoutée » indispensable qui implique une réflexion active sur le rôle de l’Alliance dans les défis actuels. Le prisme national est donc toujours mis en avant : l’action multilatérale de l’OTAN doit être encadrée de la meilleure manière possible.

Pour les États-Unis, l’action multilatérale et notamment l’article 5 du traité fondateur de l’OTAN – le principe de défense collective7 – ne semble pas être au goût du jour. Paradoxalement, c’est lors des attentats du 11 septembre 2011 que cet article 5 avait été évoqué pour la première fois, par les États-Unis mêmes8. Lors de ce sommet de Bruxelles, de nombreux diplomates et journalistes se sont inquiétés du silence du président Donald Trump à ce sujet. Même si le Secrétaire général de l’OTAN a plusieurs fois rappelé l’engagement américain, plus spécialement dans la lutte contre le terrorisme : « au-delà des paroles, il y a des actes venant des États-Unis. M. Trump a présenté cette semaine une proposition de budget qui prévoit une augmentation de 40 % de la présence militaire américaine en Europe »9. Le président américain, qui avait émis il y a quelques semaines de vives critiques envers l’Alliance atlantique, semble tout de même favoriser une attitude de retenue face à la volonté d’une action collective que prône l’OTAN.

En outre, les divergences d’opinion quant à des sujets directement liés à lutte anti-terroriste comme le cas syrien et la relation avec la Russie, restent des éléments qui peuvent freiner la mise en place d’une action multilatérale. Les membres de l’Alliance ont des avis divergents pour répondre à la crise syrienne - (négocier avec ou sans Bachar El Assad, ; la place de la Russie dans le conflit ; et les sanctions contre les violations des résolutions onusiennes, entres autres). Concernant la Russie, lors de ce sommet les Etats Unis ont décrit le pays comme un ennemi, dont les “menaces” devraient être l’une des priorités de l’OTAN alors qu’à l’inverse, J. Stoltenberg a mis en avant une approche duale : une défense fondée sur la dissuasion ainsi qu’une ouverture au dialogue avec la Russie.

La lutte contre le terrorisme a bel et bien dominé ce sommet. D’autres décisions doivent encore être prises dans les semaines à venir sur cette thématique, notamment concernant les paramètres d’instauration des plans annuels nationaux. L’efficacité de la logistique de ces derniers reposera sur leur aspect contraignant ainsi que la forme des contributions, autant d’un point de vue militaire que financier ; des critères qui n’ont toujours pas été formellement établis. Les divergences soulignées ici et là nourrissent cependant un scepticisme grandissant quant à l’efficacité et l’effectivité d’une action coordonnée et multilatérale sous l’égide de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme à l’heure actuelle.

1 STOLTENBERG Jens, “We have two major items on our agenda: Stepping up NATO’s role in the fight against terrorism and fairer burden sharing in our Alliance.” conférence de presse, 25 mai 2017, site de l’OTAN [en ligne] : http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144083.htm, - consulté le 25 mai 2017.

2 STOLTENBERG Jens, “At the same time, we agreed that NATO will become a full member of the Global Coalition, in which all 28 Allies already take part.”conférence de presse, 25 mai 2017, site de l’OTAN [en ligne] : http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144098.htm?selectedLocale=fr consulté le 25 mai 2017.

3 TRUDEAU Justin, conférence de presse, 25 mai 2017, propos repris sur http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1035764/otan-engagement-trudeau-canada-etat-islamique-trump

4 STOLTENBERG Jens, Being in the coalition does not mean that NATO will engage in combat. “ conférence de presse, 25 mai 2017, site de l’OTAN [en ligne] : http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144083.htm, - consulté le 25 mai 2017.

5 STOLTENBERG Jens, “We are also looking into making greater use of NATO’s Special Operations Headquarters, which already offers tailored counter-terrorism training for Allies and partners. This could involve more mobile training teams deploying to countries at risk.”,conférence de presse, 25 mai 2017, site de l’OTAN [en ligne] :http://www.nato.int/cps/en/natohq/opinions_144098.htm?selectedLocale=fr - consulté le 25 mai 2017.

6STOLTENBERG Jens, conférence de presse, 25 mai 2017, id.

7 Article 5 du traité de l’Atlantique Nord : Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.” (4 avril 1949) http://www.nato.int/cps/en/natohq/official_texts_17120.htm?selectedLocale=fr

8 Article "la lutte contre le terrorisme, site de l'OTAN, consulté le 25 mai 2017 : http://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_77646.htm

9 STOLTENBERG Jens, conférence de presse, 25 mai 2017, ibid.

Les opinions et interprétations exprimées dans les publications engagent la seule responsabilité de leurs auteurs, dans le respect de l'article 3 des statuts de l'Institut Open Diplomacy et de sa charte des valeurs.

Légende de la photo en bandeau : portrait des 28 chefs d’État et de gouvernement membres de l’OTAN lors du sommet de Bruxelles, 25 mai 2017 © OTAN.