La croissance mondiale est de nouveau révisée à la baisse et devrait atteindre 3,1 % en 2016 avant de rebondir à 3,4 % en 2017. Si ces taux doivent faire pâlir d’envie la plupart des pays occidentaux, dont la croissance n’a jamais été aussi faible, ils sont en réalité historiquement bas. Pour mémoire, au cours des années 2000, la croissance mondiale s'affichait en moyenne au-dessus de 4 % par an. L’incertitude économique et politique pèse lourd sur les perspectives présentées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale lors de leurs rencontres annuelles du 7 au 9 octobre derniers. On y compte pêle-mêle la montée des idées protectionnistes, notamment aux États-Unis dans le contexte des élections de novembre prochain, le vote pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne en juin dernier, mais aussi la dégradation des comptes publics partout dans le monde, ou encore un faible et durable taux d’inflation dans la plupart des pays.
Le danger du protectionnisme pour l'économie mondiale
Le protectionnisme est devenu la nouvelle marotte de nombreux dirigeants politiques au cours de l’année 2016. Ainsi, Donald J. Trump, le candidat républicain à la présidence des États-Unis, a-t-il promis de fermer les frontières et de réviser tous les traités commerciaux ratifiés par son pays s’il était élu le 8 novembre. Au Royaume-Uni, la voie du Brexit, la sortie du pays de l’Union européenne, a été choisie le 23 juin dernier par une courte majorité d'électeurs, contre un prétendu diktat de la Commission Européenne et favorables à la fermeture des frontières. À cet égard, la crise humanitaire en Syrie, qui a conduit des millions de migrants à emprunter les routes périlleuses qui mènent à l’Occident, a joué un rôle important. Car le facteur économique n’explique pas à lui seul cette montée des populismes et des protectionnismes à travers le continent européen et au-delà.
Le FMI et la Banque mondiale s’inquiètent de la mise en place d’un cercle vicieux pour l’économie mondiale. En effet, la fermeture des frontières et le relèvement des tarifs douaniers pourraient embarquer la croissance dans un cycle de baisse incontrôlable. Maurice Obstfeld, économiste au FMI, assure ainsi dans son dernier rapport d'octobre sur les perspectives mondiales qu’il était « vital de défendre les perspectives d’intégration dans le commerce mondial ». Les pays avancés, premiers concernés par la mise en place éventuelles de ces mesures, ont sans doute tout intérêt à suivre ce conseil tant leur économie ralentit inexorablement.
Les pays avancés à la traîne
Les effets de la crise financière majeure de 2008 se font encore douloureusement sentir dans de nombreux pays, notamment en Europe où le rétablissement économique a été très inégal. Beaucoup d’États n’ont pas encore retrouvé leur vigueur économique d’avant-crise : leur PIB, leur demande intérieure et les investissements se révèlent toujours en deçà de ce qu’ils étaient avant 2008. Pour pallier cette situation, le FMI a changé son fusil d’épaule au cours des années. Lui qui se voulait le chantre de la vertu économique et de l’austérité, reconnaît aujourd’hui que cette politique a pu précipiter certains pays dans le gouffre, notamment la Grèce, en ayant sous-estimé l'impact récessif des politiques menées dans des pays frappés par la crise des dettes souveraines. Le Fonds exhorte aujourd’hui les États à relancer les investissements et la demande en injectant de l’argent public dans l’économie réelle. L’Allemagne, pourtant en général bonne élève en matière économique, est particulièrement visée puisqu’elle ne mobilise ses considérables excédents que pour rembourser sa dette publique, délaissant les investissements sur son territoire.
En ce qui concerne les États-Unis, foyer de la crise de 2008, leur taux de croissance a été revu à la baisse cette année pour atteindre 1,6 %. C’est 0,6 % de moins que prévu initialement et, pour la première fois, le taux de croissance américain sera inférieur cette année à celui de la zone euro, prévu à 1,7 %. Malgré un taux de chômage officiel de 4,9 % et une consommation intérieure soutenue, cette contre-performance s’explique notamment par une incertitude prolongée quant au nom du futur dirigeant américain, mais aussi à un manque de confiance durable des entreprises, devenues frileuses à l’idée d’investir depuis la crise. La Banque fédérale américaine, FED, qui garantit des taux bas depuis longtemps, semble se révéler à court d’idées pour relancer l’investissement, alors même que des conditions d’emprunt optimales conjuguées à un faible taux de rémunération de l’épargne devaient relancer quasi automatiquement les investissements. Petit à petit, les États-Unis, qui représente toujours 23 % du PIB mondial, s’européanise.
Le piège des taux d’emprunt négatifs
Paradoxalement, l’incertitude économique a aujourd’hui atteint un tel degré qu’une poignée de pays occidentaux bénéficie d’une confiance aveugle de la part des investisseurs dans leur capacité à rembourser leurs dettes, comparativement à d’autres pays jugés beaucoup moins sûrs. D'autant qu'en période les taux de rémunération bas, voire négatifs, offerts notamment par la FED et la Banque Centrale Européenne – BCE, conserver de l'argent n'est plus véritablement attractif pour les investisseurs, notamment les banques. Car en prêtant de l’argent à certains États, dont la France ou l’Allemagne par exemple, même à des taux négatifs, ces acteurs économiques privés perdent en réalité moins d’argent que s’ils le gardaient. Aujourd’hui, le FMI estime à ainsi 40 % la part des obligations publiques d’État dans les pays avancés affichant un rendement négatif.
Cette attitude crée plusieurs problèmes. Tout d’abord, une confiance excessive dans la capacité des États à rembourser leur dette peut mener à une catastrophe. On croyait Lehman Brothers « Too Big To Fail » au même titre qu’on croit aujourd’hui que la France est « Too Big To Fail ». Pourtant, un défaut de la France sur sa dette souveraine n'est pas une situation totalement impossible : de par le montant des emprunts qui lui sont aujourd’hui accordés à tout-va, un défaut souverain provoquerait certainement une onde de choc sans précédent, sans commune mesure avec les difficultés rencontrées lors des négociations entre Européens sur le sauvetage de la Grèce. Ensuite, pour un État comme la France, dont l’économie est structurellement stagnante, il peut être dangereux de s’habituer à emprunter à des taux aussi avantageux. De tels taux repoussent en effet dans le temps les réformes nécessaires à la modernisation de l'économie, et un brusque rétablissement de taux dits « normaux », où un État paye véritablement pour emprunter, à plus ou moins long terme, pourrait avoir des conséquences sociales et économiques majeures dans les pays concernés. Car, enfin, il est assuré que ces taux remonteront un jour, puisque les banques ne peuvent tout simplement pas durablement perdre de l’argent. Le FMI craint d'ailleurs qu'une nouvelle crise économique majeure soit ainsi en gestation.
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