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La e-santé, pour la première fois au menu du G20

Aude Ayroles, Reporter au G20 à Hambourg

10 juillet 2017

Le G20 qui s’est tenu les 7 et 8 juillet à Hambourg a une particularité : pour la première fois, a été organisé en amont un sommet des ministres de la Santé des pays membres, les 19 et 20 mai derniers à Berlin. Ce fut l’opportunité de mettre la santé à l’agenda du G20, cette instance de dialogue entre les chefs d’Etat et de gouvernement, pour tenter de trouver une réponse cohérente à des problèmes globaux.

Le constat est simple : les problèmes de santé des uns ont de plus en plus d’impacts sur les autres. Cela provient en partie de l’internalisation croissante des déplacements mais aussi du potentiel manque d’efficacité à traiter de manière isolée des certaines problématiques de santé qui concernent plusieurs pays. La propagation rapide du virus Ebola en dehors du continent africain en 2014 en est l’illustration criante. Or, l’impact économique des épidémies est important pour les pays touchés, un manque à gagner d’autant plus préjudiciable quand il s’agit de pays en développement. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) chiffre par exemple à au moins 1,6 milliards de dollars (soit 12 % de leurs PIB cumulés) la croissance économique perdue en 2015 pour le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone[1].

La prise en charge des populations en termes de santé, représente un poids d’autant plus lourd sur les économies que nous vivons plus longtemps, y compris dans les pays développés. L’accès aux soins, souvent réservé aux populations urbaines et plus aisées, reste sélectif. Devant ce défi, des solutions innovantes existent. Le groupe d’engagement du Business 20, ou B20 qui regroupe des représentants des entreprises des pays du G20 s’est réuni en mai 2017 à Berlin. Parmi les priorités qu’il s’était fixé, on retrouve naturellement le commerce et la finance, l’énergie et le climat ou la digitalisation, mais également une initiative sur la santé[2]. Ils se sont approprié ce thème de la santé et de l’accès à la santé à travers un concept original : la santé digitale ou e-santé (digital health).

Qu’est-ce que la digital health ?

Concept en vogue dans la littérature anglophone, la digital health concerne l’ensemble des applications des nouvelles technologies numériques à la santé. L’autorité de régulation américaine, Food and Drug Administration (FDA), inclue dans ce concept les catégories de “santé mobile, les technologies d’informations en matière de santé, les appareils de santé portables, la télésanté, la télémédecine et la médecine personnalisée”[3]. Les possibilités offertes par ces technologies sont donc larges, en termes d’amélioration de l’efficacité du diagnostic et des soins fournis, de réduction des coûts et d’accès aux soins, etc. Cela inclut une importante variété d’applications, depuis les applications mobiles connectées qui suivent certains indicateurs de santé, à la télémédecine permettant aux populations isolées d’accéder à des prestations de santé ou d’échanger des informations.

Les retombées de telles technologies peuvent donc tout autant concerner les pays industrialisés – par l’accompagnement des populations fragiles comme les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques – que les pays en développement où les infrastructures de santé peuvent être plus éparses.

Nouvelles opportunités, nouveaux enjeux

Au même titre que d’autres secteurs de l’économie, la santé digitale pourrait bénéficier d’un développement des infrastructures numériques. L’amélioration de la couverture géographique des infrastructures et réseaux à haute capacité pour l’échange des données de santé est un enjeu central pour favoriser leur accès au plus grand nombre - y compris aux populations isolées[4]. La santé digitale bénéficierait d’autant plus d’un développement des infrastructures adapté aux spécificités des données de santé, compte-tenu de leurs enjeux pour la santé mondiale. La compatibilité inter-systèmes - et donc aussi internationale - est nécessaire pour favoriser le développement et la portée de tels outils en matière de santé publique mondiale.

Mais le B20 rappelle d’emblée aux ministres de la Santé des pays du G20 un point majeur concernant les nouvelles applications de santé : le besoin d’encadrer l’accès aux données de santé[5]. En effet, ces dernières données représentent une mine d’information quant à l’état de santé d’une population, d’un individu. L’utilisation de ces informations pourrait permettre de mieux cibler et donc renforcer l’impact des décisions en matière de politiques de santé, par des campagnes d’information plus ciblées et adaptées, ou en encore un suivi plus régulier de certains individus identifiés comme à risque. Pourtant, l’accès à ces informations reste très sensible dans la mesure où, si elles étaient connues, elles étaient auparavant exclusivement partagées dans le cadre d’une relation encadrée avec son médecin. Un encadrement harmonisé de ces données au niveau international est donc primordial pour assurer la confiance des citoyens et l’utilisation adéquate de ces données dans un contexte de cybercriminalité accrue.

[1] Pour plus de détails sur les priorités du B20, consulter : https://www.b20germany.org/priorities/?L=0

[2] “Ebola : d’importantes pertes économiques ont été évitées dans la plupart des pays africains mais les conséquences de l’épidémie paralysent toujours la Guinée, le Libéria et la Sierre Leone», communiqué de presse, Groupe de la Banque mondiale, le 20 janvier 2015 : http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/01/20/ebola-most-african-countries-avoid-major-economic-loss-but-impact-on-guinea-liberia-sierra-leone-remains-crippling

[3] “Digital Health”, Food and Drug Administration, mis à jour le 9 juin 2017 : https://www.fda.gov/medicaldevices/digitalhealth/

[5] “Stepping Up Global Health - Towards Resilient, Responsible and Responsive Health Systems”, B20 Health Initiative - Policy Paper 2017, mai 2017: https://www.b20germany.org/fileadmin/user_upload/B20_Germany_Policy_Paper_Health_Initiative.pdf

Légende de la photo en bandeau : la santé digitale (e-santé) en marge du G20 (c) Aude Ayroles.

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