Cet article a été écrit dans le cadre du partenariat entre l’Institut Open Diplomacy et touteleurope.eu.
Rome, dimanche 4 décembre, minuit a sonné il y a presque une demi-heure dans la capitale italienne. Matteo Renzi jusque-là président du Conseil des ministres italien, vient d’être désavoué par 59,1 % des électeurs qui ont rejeté son référendum visant à réformer la Constitution. Une décision qui a dirigé M. Renzi vers la porte de la démission.
Alors que l’Autriche venait de confirmer le même jour l’élection de l’écologiste Alexander Van der Bellen à la présidence du pays face au candidat d’extrême droite Norbert Hofer, face aux urnes les peuples européens sont de nouveau en train de souffler un vent contraire dans l’idéologie européenne. Une surprise pour les éditorialistes européen qui attendaient un séisme politique en Autriche : c’est finalement à Rome qu’il a eu lieu.
« J’ai perdu, et je le dis avec la voix haute même si j’ai un nœud dans la gorge… » : c’est par ces mots que Matteo Renzi a annoncé quitter ses fonctions de président du Conseil italien qu’il remplissait depuis près de trois ans. Avec cette démission, c’est une nouvelle période d’incertitude qui s’ouvre pour l’Italie et les 27 autres membres de l’Union européenne. C’est le 12 décembre que cette démission a été effective, à la suite de l’adoption du budget de l’Italie pour 2017 ; un gouvernement technique est entré en fonction dans la foulée.
L’économie italienne inquiète l’Europe et le monde
Ce référendum raté sur le projet de réforme constitutionnelle présenté par Matteo Renzi conclut une période peu sereine pour l’économie transalpine, et notamment pour son secteur bancaire. Avec une dette publique de 2 134,74 milliards d’euros soit 132,1 % de son PIB et un secteur bancaire vulnérable, la troisième puissance économique de l’UE relance le doute sur sa solidité économique et financière, doute qui pourrait mettre un nouveau frein aux investissements dans la péninsule. Néanmoins l’alarmisme ne fait pas consensus parmi tous les analystes et responsables politiques. « Cela ne change pas vraiment la situation de l’économie en Italie ou des banques italiennes, les problèmes que nous avons aujourd’hui, sont les problèmes que nous avions hier » a déclaré le président de l’EuroGroupe Jeroen Dijsselbloem le lundi 5 décembre, au lendemain de l’annonce de la démission de Matteo Renzi.
Le Fonds monétaire international quant à lui a demandé le 8 décembre par la voix de son porte-parole Gerry Rice lors d’une conférence de presse, à l'Italie de poursuivre les réformes économiques engagées, en dépit du non au référendum : « Au-delà de la décision de rejeter par référendum [le dimanche 4 décembre 2016] une réforme constitutionnelle proposée par le Premier ministre, il est important que l'Italie continue et élargisse ses efforts de réforme afin d'améliorer ses perspectives de croissance et renforcer sa stabilité économique et financière ».
Les banques italiennes, épines dans le pied de l’économie de la Botte
Selon les officiels, les banques italiennes sont en souffrance, du côté des économistes elles se trouvent littéralement au bord du précipice. Dans ce débat un chiffre ressort, 360 milliards d’euros, c’est le montant des créances du secteur bancaire national. C’est l’ensemble des crédits que les banques ne pourraient pas rembourser. Même la plus vieille banque du monde et la troisième banque italienne Monte dei Paschi di Siena a perdu 90 % de sa valeur boursière en un an.
La banque italienne doit lever cinq milliards d’euros d’ici la fin de l’année si elle veut continuer à fonctionner. Cet impératif est devenu pressant à la suite du refus de la Banque centrale européenne d’accorder un délai à Monte dei Paschi di Siena avant de procéder à une augmentation de capital.
Paolo Gentiloni, un successeur temporaire aux tâches herculéennes
« Je ne m'en cache pas, il y aura des difficultés », a déclaré le nouveau chef du gouvernement italien, M. Gentiloni. L’homme de 62 ans, a obtenu la confiance du Parlement italien le mardi 13 décembre après la présentation de la liste de son équipe, en majorité composée d’anciens membres du gouvernement de M. Renzi.
Parmi les travaux que ce nouveau gouvernement temporaire devra réaliser, figure en première place l’adoption d’une nouvelle loi électorale afin d’éviter une paralysie du pays.
Car l’Italie compte des lois électorales différentes pour ses deux chambres, et le chef de l’État, Sergio Mattarella, juge nécessaire une harmonisation, pour qu’un gouvernement cohérent puisse émerger du prochain scrutin. Cette nouvelle législation, si elle est promulguée rapidement, pourrait déboucher sur des élections anticipées. La raison de cette décision ? Le Mouvement 5 Étoiles, M5S, mené par Beppe Grillo réclame des élections immédiates depuis la démission de Matteo Renzi - une élection qui en l’état actuel des sondages d’opinion serait en faveur du mouvement populiste.
Le calendrier et les enjeux diplomatiques peuvent expliquer le choix de Sergio Mattarella. Car l’Italie assurera en 2017 la présidence du G7, le groupe des sept pays les plus riches de la planète, et doit organiser dès mai prochain un sommet des chefs d’État et de gouvernement à Taormina, en Sicile. En plus de ce rendez-vous diplomatique d’importance, l'Italie fera également au 1er janvier 2017 son entrée au Conseil de sécurité des Nations unies comme membre non permanent - un mandat prévu pour deux ans, mais que le pays compte raccourcir encore pour laisser la place à mi-mandat aux Pays-Bas. Nul doute que le temps presse en Italie pour sortir de l’ornière politique.
L’Italie peut néanmoins compter sur le soutien de la France. Le président de la République François Hollande a apporté son soutien, lors d’un entretien téléphonique après la nomination de Paolo Gentiloni, à la future présidence italienne du G7 et a salué l’entrée de l’Italie au Conseil de sécurité des Nations unies. les deux dirigeants ont tous deux également insisté sur l’indispensable cohésion européenne et sur le maintien d’un dialogue étroit à l’approche du 60e anniversaire du traité de Rome le 25 mars 2017.
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