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Interview de Laurence Monnoyer-Smith, Co-présidente de l’Institut Open Diplomacy, Directrice du développement durable du CNES

19 juillet 2022

1 - Pourquoi vous êtes-vous engagé au sein de l'Institut ?

Tout au long de ma carrière, je me suis efforcée d’œuvrer dans 3 directions : valoriser la parole citoyenne et faire en sorte qu’elle soit entendue dans le processus décisionnel ; alerter sur les conséquences désastreuses d’une empreinte anthropique trop forte sur les limites planétaires ; et plus récemment contribuer à la mise en œuvre des objectifs du développement durable dans un esprit partenarial. Ces motivations qui ont guidé mes choix et mes engagements m’ont naturellement conduite à croiser le chemin d’Open Diplomacy dans lequel j’ai trouvé les valeurs qui m’animent portées par une jeune génération qui doit faire face en outre à de forts enjeux géopolitiques. Je n’ai donc pas hésité, lorsque j’en ai eu l’opportunité à rejoindre à Open Diplomacy. 

2- Selon vous, qu'est ce qui fait l'originalité de l'Institut Open Diplomacy en tant que think tank ?

Open Diplomacy est le seul think tank issu d’un mouvement de jeunesse qui fonctionne grâce à la mobilisation et à l’engagement de jeunes diplômés dotés d’une formation solide acquise dans diverses universités et organisations partout dans le monde, et à l’accompagnement de personnalités qualifiées avec lesquelles ils échangent et partagent régulièrement sous de multiples formats. Ce foisonnement d’expertise et de relations inter-générationelles fait d’Open Diplomacy un lieu unique de transmission d’où émane une énergie incroyable ! 

3- Pouvez-vous nous raconter une anecdote de votre mission de coprésident(e) de l'Institut ?

La première fois que j’ai entendu parler d’Open Diplomacy , c’était par Claudie Haigneré. Elle m’appelle un jour pour me demander si je serais d’accord pour intervenir aux premières rencontres du développement durable en 2020. Pour moi, Claudie Haigneré, c’est une héroïne, une femme remarquable, d’une grande gentillesse et d’une incroyable modestie vu ce qu’elle a accompli dans sa carrière. Inutile de vous dire que je n’aurais même pas osé lui dire non. J’ai accepté sans même savoir de quoi elle parlait précisément et j’ai rencontré toute l’équipe à cette occasion. Ce fut une très belle rencontre et très vite, j’ai été embarquée comme administratrice. Comme quoi, il faut toujours suivre les femmes remarquables…

4 - L'Institut Open Diplomacy œuvre pour que le grand public s'empare des politiques publiques façonnées par l'international. Selon vous, quels sont les domaines politiques prioritaires dans lesquels cette mission pédagogique et civique doit être déployée en priorité ?

Je ne peux imaginer aujourd’hui d’autre enjeu prioritaire que celui de la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement. Les conséquences du dépassement des limites planétaires sur le plan géopolitique et international sont majeures et se font déjà sentir douloureusement partout dans le monde. Migrations, guerres de l’eau, problème d’alimentation, désastre agricole, résurgences de maladies, catastrophes naturelles qui résultent de notre activité humaine prédatrice tant sur la planète que sur les hommes doivent impérativement être explicitées et diffusées. Faire connaître en ce sens les Objectifs du Développement Durable et montrer comment ils peuvent se déployer de manière vertueuse pour préserver la paix me paraît l’enjeu fondamental de ce 21e siècle. 

5- À l'heure de la guerre en Ukraine, quel regard portez-vous sur l'état du multilatéralisme et le rôle que la France peut jouer dans le système international ?

Dans le domaine au sein duquel je travaille, le spatial, nous avons connu une profonde évolution depuis la guerre froide et la course à la maîtrise de l’accès à l’espace. Le temps du multilatéralisme et de la coopération scientifique qui lui a succédé, et qui a donné lieu à de belles coopérations internationales comme la station spatiale internationale, l’installation de Soyouz à Kourou, la création de l’Agence Spatiale Européenne en 1975, est aujourd’hui l’objet de forces entropiques qui tendent à l’affaiblir sérieusement. Sans parler de la récente guerre en Ukraine qui nous replonge plus de 40 ans en arrière en matière de coopération scientifique, la diminution des coûts d’accès à l’espace grâce au développement de mini-lanceurs et l’entrée dans l’ère du New Space, une compétition politico-économique a pris la place de la coopération que nécessitaient les investissement colossaux des années 70/80. Dans ce contexte où la guerre s’invite désormais dans l’espace (d’où la création du Commandement de l’Espace installé à Toulouse), la France promeut le multilatéralisme notamment en signant les accords Artémis pour un usage durable et pacifique de l’espace, et en oeuvrant au sein de l’ESA pour que l’Europe conserve ses capacités d’accès à l’espace et les moyens de nouer des partenariats internationaux dans les grands programmes scientifiques. Nous entrons donc dans une période plus chaotique où les appétits privés du new space, dopés par de massifs financements publics nécessitent plus que jamais des discussions multilatérales : les enjeux de maîtrise des débris spatiaux, de contrôle des opérations lunaires et martiennes et de maintien des services spatiaux (télécom, observation de la terre etc.) doivent être traitées dans un contexte difficile de réaffirmation des souverainetés nationales.

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