L’énergie joue un rôle essentiel contre le changement climatique, pour le développement économique et social et la lutte contre la pauvreté. En outre, l’accroissement des énergies alternatives est essentiel. Seule une production et une consommation durables peuvent contribuer à la fois à l’amélioration des conditions sociales (par exemple, en matière de santé et d’éducation) d’une part, et à la réduction de la pauvreté (grâce à une compétitivité accrue) d’autre part. C’est d’ailleurs le cœur du septième objectif de développement durable (ODD), qui doit être atteint dans le cadre de l'Agenda 2030. Pourtant, de nombreux pays ne sont toujours pas en mesure de répondre aux besoins énergétiques de leurs populations. 1,4 milliard de personnes dans le monde ne disposent pas d’accès à l’énergie. Même en Europe, la précarité énergétique constitue toujours un défi. Face à l’urgence, des initiatives politiques se mettent en place, et des tentatives de gouvernance s’organisent à l’échelle globale. Pour quels résultats ?
La période récente montre une volonté politique de plus en plus importante en faveur de la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, l’absence d’une entité mondiale unique en charge de la gouvernance de l’énergie durable limite la portée de ces ambitions.
De la sécurité énergétique à la prise de conscience écologique
L’impulsion d’une gouvernance énergétique mondiale a d’abord été ralentie par des préoccupations sécuritaires. La souveraineté énergétique est un enjeu primordial : de l’énergie dépend la croissance économique des États, mais aussi le confort et la mobilité de ses citoyens. C’est probablement une des raisons pour lesquelles le sujet est resté peu abordé sur la scène internationale jusque dans les années 1970. Le choc pétrolier fait alors prendre conscience aux pays industrialisés des risques liés à l’insécurité énergétique. Il débouche sur la création d’une première institution internationale s’occupant des questions énergétiques, l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Principalement focalisée sur les ressources fossiles, elle s’affirme aujourd’hui comme l’une des plus importantes organisations internationales travaillant sur les énergies propres. Parallèlement est sorti le rapport Meadows sur la décroissance (The limits to growth), ouvrant la voie à de nombreux débats sur la sobriété énergétique. Le sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en juin 1992, pose les bases d’une gouvernance globale de l’énergie durable et acte une prise de conscience générale.
Cette sécurité à atteindre doit prendre en compte l’horloge climatique qui continue de tourner. L’énergie est responsable d’environ 2 tiers des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine. L’universalisation de l’accès à l’énergie a des conséquences positives pour le climat. Par exemple, une meilleure éducation mène à la baisse du taux de natalité. Le développement de l’agriculture locale évite le transport des marchandise etc. Cela engendre néanmoins une augmentation des besoins. L’électrification des zones actuellement sans accès à l’énergie doit se faire avec des technologies à bas carbone.
Héritage de ces réflexions, l’ODD 7 sert de cadre référentiel pour toutes les organisations actives sur ces questions. Cet objectif cherche à garantir une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous, à travers plusieurs sous-objectifs, comme l’accroissement de la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial, ou l’amélioration des services énergétiques dans les pays en développement. Les cibles sont clairement définies. Leur implantation, en revanche, est inégale.
Un système multilatéral éclaté et lacunaire
La gouvernance de l’énergie est aujourd’hui répartie entre de nombreux acteurs multilatéraux. On ne compte plus les organisations, notamment régionales, qu’il serait trop long de citer ici (voir tableau ci-dessous). Cette pluralité d’acteurs, parfois-même en concurrence sur un secteur spécifique, freine la prise de décision.
Face à des questions qui évoluent rapidement, certaines des premières organisations créées perdent en légitimité. Prenons l’exemple de l’AIE. De nombreuses voix lui reprochent régulièrement de continuer à assurer la sécurité des approvisionnements en pétrole. En outre, l’organisation était à l’origine limitée aux États membres de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), majoritairement parmi les plus développés. Ces limites évoluent, mais ces changements ne sont pas suffisants pour en faire une organisation ayant une légitimité universelle sur ces questions.
Viennent ensuite les organisations qui, si elles agissent en faveur de la sécurité énergétique, n’ont pas su s’adapter aux exigences du réchauffement climatique. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), créée en 1960 est probablement la plus célèbre d’entre elles. Semblablement, l’Energy Charter Treaty, ratifié au début des années 1990, a pour objectif de renforcer la sécurité énergétique dans les pays d’Europe en protégeant… les investissements dans les énergies fossiles des pays de l’ancienne URSS. Comptant parmi ses membres la plupart des États européens (dont la France), ses objectifs vont donc à l’encontre de ceux l’Accord de Paris. Alors que les citoyens demandent une transparence et un engagement environnemental accru, ces institutions posent de vrais problèmes démocratiques.
Quant aux organisations actuelles, celles-ci peinent à parler d’une seule voix. Tout d’abord, parce qu’elles ont des vocations essentiellement thématiques. On compte par exemple l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dépendant du système onusien, ou encore de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA). En deuxième lieu, parce que certaines d’entre elles peinent à rassembler largement les États, comme le Clean Energy Ministerial (CEM). Ce forum, consacré aux énergies propres, est limité à des pays riches et ne compte que 26 membres. Enfin, d’autres acteurs internationaux sont impliqués, sans que l’énergie soit cependant au cœur de leur mandat initial. Citons le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et son plan stratégique mondial « De l’énergie pour changer des vies », actif dans 50 pays et auprès de 800 000 foyers. Autre exemple, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) qui travaille activement avec le secteur privé sur les problématiques de l’efficacité énergétique. Malgré leur impact positif, leur nombre rend une coordination passablement ardue, et laissent de nombreux enjeux en suspens.
Liste des principales initiatives multilatérales ou régionales travaillant sur les questions énergétiques
Le triste exemple de l’efficacité énergétique
Ces mécanismes et organisations restent bien maigres face au défi que représente la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. Il existe en effet de nombreux problèmes actuellement sans réponse.
L’efficacité énergétique, qui permet de maximiser l’utilisation de l’énergie et donc d’en limiter la consommation, en fait partie. L’exemple de l’International partnership for energy efficiency cooperation (IPEEC) est à ce titre éloquent. Créé à la fin des années 2000 par le G7, son impact fut cependant limité. L’organisation n’avait pas d’entité légale (elle était hébergée par l’AIE), le nombre de ses membres était limité à une quinzaine d’États riches et émergents et son rôle consistait principalement à organiser des forums de discussion sur l’efficacité énergétique, entre ses membres puis pour le G20. La modestie de ces ambitions finira par remettre en question son utilité : l’organisation a mis fin à ses activités en décembre 2019. La mise en place d’une structure alternative par l’AIE, ouverte à tous les états dont l’Inde, la Chine ou la Russie, a été retardée par la crise de la Covid-19. Il n’existe donc aucune organisation entièrement consacrée à l’efficacité énergétique de type IRENA qui pourrait constituer une plateforme globale d’échanges et d’expertise sur ces questions. Ce manque se fait d’autant plus sentir que l’efficacité énergétique est cruciale dans la lutte contre le changement climatique.
L’énergie a aujourd’hui plus que jamais besoin d’une gouvernance multilatérale. Or celle-ci reste lacunaire et terriblement imparfaite, des sujets aussi importants que l’efficacité énergétique n’étant par exemple que très partiellement couverts. Par ailleurs, le manque de coordination entre les différentes politiques limite leur effet. Cette absence fait peser des risques sur l’ensemble de la communauté internationale, pourtant, les pays non-membres du G20 ou de l’AIE sont très peu consultés.
Des solutions semblent progressivement apparaître. La prolifération des programmes concernant l’énergie a motivé la création du groupe UN Energy, mécanisme visant à améliorer la coordination des activités des Nations unies sur ces questions. Créée en 2014, l’initiative Sustainable energy for all (SEforALL) a également pour objectif de renforcer cette coordination et d’impliquer d’autres acteurs. Cette faille dans le système onusien pourrait être bientôt résolue.