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Faire face au terrorisme : des avancées lors du Sommet de l’OTAN de Varsovie ?

par Ruben Cohen-Aknine, reporter de l'Institut Open Diplomacy au sommet de l'OTAN des 8 et 9 juillet 2016

15 juillet 2016

Quelques mois après les attentats de Paris et de Bruxelles qui ont ramené dans une Europe pacifiée le spectre de la violence, avait lieu les 8 et 9 juillet derniers à Varsovie le Sommet de l’OTAN.

Un enjeu majeur : la lutte contre le terrorisme et l’instabilité dans le monde

Si la lutte contre le terrorisme était une question prioritaire à l’agenda d’un grand nombre de chefs d’Etats rassemblés à Varsovie, elle a sans doute été trop rapidement éclipsée des déclarations officielles, les crispations liées à la situation sécuritaire en Europe de l’Est ayant pris le dessus. Dans son discours d’ouverture, le Secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg soulignait à cet égard que la situation russe était la priorité absolue des discussions. Pourtant, face à la menace qu’incarne Daesh pour l’équilibre mondial, il semble fondamental de s’interroger sur le rôle que l’OTAN peut jouer dans cette lutte.

L’OTAN demeure certes une organisation défensive, mais elle nourrit l’ambition d’étendre la garantie de la stabilité au-delà des frontières de ses pays membres. Elle s’efforce de mettre en œuvre cette volonté en donnant l’opportunité à chaque pays de devenir membre, mais aussi par le biais de partenariats pour la Paix, noués avec 22 pays depuis 1994. En aidant ses partenaires au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord dans la lutte contre le terrorisme ou contre toute autre source d’instabilité, l’Alliance entend développer son influence, et éteindre d’éventuelles menaces avant leur propagation vers l’Europe ou les Etats-Unis. Cela se traduit par exemple par son engagement en Afghanistan depuis 2001 où elle apporte un soutien militaire, financier, technologique et forme les forces militaires et de police locales. Toutefois, au vu des récentes attaques terroristes sur le sol européen, l’efficacité de ces politiques sécuritaires est remise en question.

L’OTAN, concurrent ou partenaire de l’Union européenne ?

Des Hommes voulaient donner vie à leurs idéaux de paix et de démocratie, aussi ambitieux soient-ils.

Une des premières critiques à émerger des débats est celle de la crédibilité de l’élargissement de l’OTAN. Comment espérer étendre la stabilité et la paix à travers le monde, si les pays membres de l’Alliance mêmes sont vulnérables aux attaques terroristes ? Certains acteurs et décideurs blâment la politique de la « porte ouverte », pourtant chère à l’OTAN, dans ses projets universels de paix et de démocratie. Ces reproches restent toutefois superficiels et sans impact. En effet, les défenseurs de l’Alliance assument la nécessité de garder une approche holiste de la notion de sécurité et de lutter contre la régionalisation de cette dernière. C’est le cas de Madeleine Albright, ancienne secrétaire d’Etat américaine, lorsqu’elle affirme que la création de l’OTAN en 1949 n’a pas été induite par un sentiment de peur généré par la Guerre froide, mais que des Hommes voulaient donner vie à leurs idéaux de paix et de démocratie, aussi ambitieux soient-ils. « Nous agissons. Nous sommes faits pour bâtir. Et rien ne doit sous-estimer cet état d’esprit » clame-t-elle à Varsovie. L’élargissement de l’OTAN est donc complémentaire et nécessaire à sa survie.

Sans douter de ce mythe fondateur, certains déplorent néanmoins le manque de clarté dans l’action sécuritaire de l’Alliance, notamment dans ses relations avec d’autres organisations – l’Union européenne surtout, ou l’Union africaine dans une moindre mesure. Par exemple, alors que les observateurs s’attendaient à ce que François Hollande fasse appel en novembre 2015 à l’article 5 de l’OTAN, aux termes duquel une agression contre un pays membre est considérée comme un agression contre tous les autres pays membres (comme ce fut le cas pour les Etats-Unis après le 11 septembre 2001), le président de la République a décidé d’invoquer l’article 42-7 du Traité de l’Union européenne[1], une première dans l’histoire européenne. Les deux clauses en question, article 42-7 ou article 5, ont pourtant la même portée, i.e. de proclamer la solidarité des autres membres envers le pays attaqué, en l’occurrence la solidarité envers la France dans ses opérations extérieures notamment en Afrique, et dans sa lutte contre Daesh en Syrie. Mais un tel choix en faveur de l'Union européenne fut considéré comme un échec symbolique fort pour l’Alliance. D’autant plus que les contours de la défense collective européenne restent flous et peu matures, là où l’OTAN a une action claire et une organisation bien établie depuis des décennies.

Redéfinir la sécurité collective face au terrorisme ?

Outre cette crise de légitimité qui semble émerger, le sommet de l’OTAN de Varsovie a fait ressortir la nécessité de redéfinir la lutte contre le terrorisme pour y faire face de façon durable. Il faut d’abord continuer à développer les partenariats pour la Paix et former des forces locales dans les pays luttant contre le terrorisme, comme l’Afghanistan. 

Mais surtout, alors que les attentats frappent à nouveau le sol européen, trouver des moyens plus efficaces pour combattre le terrorisme et renforcer les défenses existantes doivent être des lignes de conduite incompressibles de l’OTAN. De nombreuses propositions ont à ce titre été faites à Varsovie. Celle de créer une organisation nord-atlantique regroupant les services secrets de tous les pays membres par exemple. Cela paraît pour le moment très lointain, tant les pays membres tendent à traiter les menaces terroristes à l’échelon national, rechignant à coopérer avec d’autres pays. Pourtant, le terrorisme s’est mué en phénomène transnational. Favoriser et renforcer la coopération entre les services secrets des pays membres est donc un enjeu primordial si l’OTAN veut s’affirmer comme une réponse crédible face à la menace terroriste.

Favoriser et renforcer la coopération entre les services secrets des pays membres est un enjeu primordial.

Par ailleurs, comme de nombreuses organisations internationales, l’OTAN est avant tout une grande et lente machine bureaucratique. La mise en œuvre de chaque décision est susceptible de demander du temps, quatre ans la plupart du temps. Mais les technologies militaires évoluent tous les dix-huit mois affirment un ancien général de l’armée américaine. Tandis que les organisations terroristes, beaucoup plus flexibles, s’adaptent mieux et profitent souvent d’un avantage technologique, susceptible d’aboutir à un avantage stratégique, si rien n’est fait pour raccourcir les processus de décision et d’application au sein de l’Alliance.

Les enjeux sont donc définis. Il reste à voir si les responsables politiques à la tête de l’Alliance auront le courage de réformer et d’apporter les changements nécessaires à l’amélioration du fonctionnement de l’OTAN. Jens Stoltenberg affirmait ne pas « vouloir d’une nouvelle Guerre froide » dans son discours d’ouverture du Sommet de Varsovie, mais nombre de discussions ont porté sur les relations avec la Russie. Au-delà des discours, il faudra prendre de vraies décisions pour faire de l’Alliance une organisation capable de cerner les nouvelles problématiques du terrorisme mondial et d’y apporter les solutions appropriées. Il en dépend de l’avenir de l’OTAN comme organisation légitime de sécurité collective, mais surtout de la sécurité des peuples des pays membres.

[1] Article 42-7 du Traité de l'Union européenne : « Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres.

Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »

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