Parmi les principales initiatives économiques de l'Union européenne en réponse à la pandémie du coronavirus, figure un programme d’investissements de 37 milliards d'euros. Ce budget sera déployé par le canal de la politique de cohésion, qui vise habituellement à réduire l’hétérogénéité de richesses entre régions européennes.
Financée sur le budget européen (un cadre pluriannuel de 7 ans), la politique régionale est une politique concrète de solidarité entre territoires européens. L'allocation des ressources est proportionnelle au niveau de développement des différentes régions par rapport à la moyenne européenne.
La philosophie de cette politique est « aucune région ne doit être laissée à la traîne ». Les régions considérées comme en retard dans le cycle de développement reçoivent plus de ressources pour rattraper les régions les plus prospères.
La politique régionale européenne est financée par cinq fonds. Les deux principaux sont le Fonds européen de développement régional et le Fonds social européen. Outre ces deux vecteurs budgétaires, on compte aussi le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et le Fonds de cohésion. Ils seront également engagés dans la gestion de la crise causée par le COVID-19.
« L'initiative d'investissement » prise en réponse au coronavirus consiste à réaffecter les ressources de la politique de cohésion pour investir dans les systèmes de santé. Ces moyens serviront à acheter du matériel médical, y compris de protection, à développer la télémédecine. Ils seront aussi mobilisés pour aider les entreprises à faire face à l’arrêt brutal de l’économie.
Pour ce faire, la Commission européenne a dû proposer de modifier les règlements européens qui instituent les Fonds structurels et d'investissement. Le Parlement européen a adopté ces réformes durant sa session plénière extraordinaire du 26 mars presque à l’unanimité ! Le Conseil de l’Union européenne a rapidement confirmé le vote du Parlement européen lors de sa séance du 30 mars. Compte tenu de la situation, ont d’ailleurs été prises rétroactivement : elles entrent en vigueur le 1er avril mais sont mobilisables pour une période qui commence le 1er février !
Notons qu’il ne s’agit pas « d'argent frais » : l'initiative d’investissement ne prévoit pas une augmentation du budget mais une utilisation différente des fonds. Elle sera étendue non-seulement au champ de la santé publique qui est habituellement une compétence exclusive des Etats.
Selon les estimations préliminaires de la Commission, le budget débloqué pour la France s’élèvera - au total - à environ 650 millions d'euros. Si les autorités françaises utilisent l'intégralité de ce budget d’urgence, il restera tout de même 1,3 milliards d’euros dans le budget européen de la politique de cohésion à investir d'ici 2023.
Utiliser les ressources de la cohésion régionale pour faire face à la pandémie et ses effets est un acte courageux, qui renforce encore son rôle, contrairement à ceux qui le considèrent "obsolète". Cela demandera en effet un effort supplémentaire aux autorités de gestion (les États et leurs régions) pour investir rapidement ces fonds destinés à l’équipement médical. Les pays membres vont devoir faire face à la question cruciale : comment répartir ces fonds pour gérer la crise du COVID-19 ? Elles ne sont pas affectées de la même manière par par la pandémie et ne disposaient pas des mêmes ressources initiales pour y faire face. En Italie par exemple, la Lombardie, région la plus touchée, est aussi une des régions les plus développées du pays. Initialement, elle recevait donc le moins de fonds européens au titre de la politique de cohésion. Les gouvernements vont devoir faire des choix de répartition à contre-courant des habitudes budgétaires, et gérer les attentes de leurs régions.