Loin de rougir de son bilan durant la crise, l’Union européenne doit se montrer fière de sa résilience face à un virus qui le frappe durement et à une crise économique qui la menace profondément. Ses principales forces (l’Etat-Providence, la coopération multilatérale et les politiques de santé publique soutenue par la population) sont taillées pour affronter les tempêtes politiques les plus dures. Alors que le leadership américain se dérobe et que l'anti-modèle chinois rebute, il est temps que les Européens montrent fièrement la voie.
La Chine : le bilan médical ne forme pas un modèle international
Quel renversement paradoxal ! Foyer de l’épidémie, la Chine répand partout l’idée qu’elle a jugulé la pandémie grâce à son régime autoritaire. Elle s’érige même en modèle sanitaire, économique et politique pour le monde. S’engageant dans une compétition macabre de bilans de victimes du virus avec les Occidentaux, la puissance chinoise a laissé éclater ses ambitions sous couvert d’assistance humanitaire : répandre ses matériels médicaux pour exporter son système administratif et préempter la reprise économique en prenant de vitesse des Occidentaux encore confinés.
Malgré des poussées diplomatiques oscillant entre solidarité médiatique et agressivité diplomatique, la Chine n’a réussi qu’à susciter une méfiance accrue dans le monde. A trop vouloir exploiter la crise, la superpuissance chinoise a échoué à se ménager un véritable leadership : elle n’a pas suscité de « désir de Chine » hors de sa sphère d’influence strictement régionale, au Laos ou au Cambodge. Elle a même suscité un regain de résistance au Japon, en Corée et aux Etats-Unis.
Les Etats-Unis, leader démissionnaire
Dans les crises mondiales des dernières décennies, les Etats-Unis avaient traditionnellement réussi à prendre des fonctions de chef de file : dans la lutte contre les totalitarismes, puis contre le terrorisme ou encore contre les crises financières, la présidence américaine avait, bon an mal an, donné le ton et montré la voie.
Face aux crises de 2020, les Etats-Unis ont littéralement renoncé à ce rôle avant même d’essayer de l’endosser. Après avoir raillé le danger, la présidence Trump a systématiquement (mais massivement) réagi avec un temps de retard pour lutter contre la contagion, limiter le chômage et soutenir les entreprises. Les Etats-Unis ne restent pas oisifs mais se cantonnent à un rôle réactif en cultivant une rhétorique de la revanche.
Résiliences européennes
Entre un leadership chinois impuissant car impatient et un leadership américain qui s’abolit lui-même, les Européens ont un rôle mondial à jouer d’urgence. L’Union européenne bénéficie en effet d’avantages comparatifs évidents pour préparer la reprise.
Massivement victime du virus, l’Europe ne doit pas avoir honte de son bilan sanitaire : dans de nombreux Etats-membres, le système de santé et la mobilisation citoyenne ont réussi par des voies démocratiques à freiner la contamination. L’expérience séculaire des politiques de santé publique a parlé. Sur le plan économique, la mobilisation des Etats membres pour s’engager dans des politiques contra cycliques a rappelé combien l’Europe est habituée à affronter les crises graves. En particulier, les dispositifs de chômage partiel préserveront les entreprises et sauvegarderont la main-d’œuvre pour une reprise plus rapide. Enfin, l’Europe doit être fière de sa réactivité économique et financière. En quelque jour, ses Etats-membres, ses institutions bancaires ont mis sur pied un système de soutien mutuel massif à la hauteur des besoins de financement des États. Elle préservera ainsi ses capacités productives pendant la crise, y compris contre les prédations étrangères.