La pandémie, c’est David contre Goliath, littéralement. D’autant que la différence de taille entre les deux opposants n’a jamais été aussi frappante. Ce David nanométrique - le coronavirus - ne laisse aucun répit à ce Goliath qui pèse 3 milliards d’êtres humains confinés. Et pour cause, côté Goliath, personne n’était vraiment préparé.
Avec le COVID, le système sanitaire mondial a trouvé un lanceur d’alerte efficace
La famille des coronavirus aura bien profité du XXIe siècle pour se faire un nom sur la scène virale internationale. Après le SARS en 2003, le MERS en 2012, le Sars-CoV-2 sature aujourd’hui l’espace médiatique et sanitaire.
Le Covid-19, la maladie respiratoire provoquée par ce virus à couronne, est responsable à l’heure de l’écriture de ces lignes de 880 000 cas et 44 000 morts, d’après le suivi en temps réel de la pandémie assurée par l’université américaine John Hopkins. Une crise à l’impact sans précédent qui met en lumière de nombreuses lacunes du système actuel, à commencer par le système de santé, première victime du virus mortifère. Plusieurs leçons doivent être tirées de la difficulté à réagir face au défi médical actuel.
Tout d’abord, les systèmes sanitaires mondiaux ont eu la mauvaise surprise - en était-ce véritablement une ?- de se réveiller le matin du plus important entretien de leur carrière la dressing vide : masques, gels hydroalcooliques, gants, combinaisons manquent à l’appel.
L’organisation du système français illustre parfaitement ce soucis partagé par nombre de pays autour du globe : l’organisation des soins trop basée sur le système hospitalier. L’organisation de la santé ne profite pas assez des opportunités de diagnostic et de traitement offerte par la médecine de ville. La prévention est aussi encore trop faible dans les systèmes occidentaux de soin. A l’image des propos de Guy Vallancien, de l’Académie de Médecine, le système de santé post-épidémie devra remettre les médecins généralistes à leur place de « pivot du système ».
Le Covid-19 n’est pas seulement un lanceur d’alerte médical. Politique aussi : il permet de s’interroger sur le fonctionnement de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Sa gestion de crise, initialement très complaisante envers la Chine, est très critiquée. L’agence onusienne continue de donner des directives globales malgré le retard qu’elle a accusé sur l’analyse de la transmission inter-humains du virus. Et son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, ne cesse d’écarter Taïwan de ses actions malgré les succès de ce pays dans la gestion de l’épidémie.
La pandémie nous renvoie à deux antibiotiques à étudier en laboratoire
La crise agit également comme révélateur de nombreuses solutions. Elles sont d’ordre technologique et politique.
Les solutions numériques concentrent beaucoup d’espoirs. Il suffit de prendre l’exemple de la téléconsultation médicale qui émerge à vitesse grand V. Efficace en période de confinement, elle vient soulager la médecine hospitalière comme la médecine de ville. Si la crise donne lieu à d’excellentes pratiques sanitaires que l’on pourra préserver après la pandémie, elle nous ramène pour autant à la sempiternelle question : sommes-nous obligés d’arbitrer entre le bien commun (ici la santé publique) et nos libertés individuelles ? Quand on observe les solutions adoptées en Chine, en Corée du Sud ou à Taïwan, l’innovation suscite l’espoir autant que le doute.
Dans l’espace digitale comme dans l’espace politique, l’Europe sert de contre-exemple. Alors que le multilatéralisme bat de l’aile avec l’isolationnisme américain et l’opportunisme chinois, l’immobilise européen nous rappelle à quel point l’espoir doit être fondé sur des solutions politiques. À l’échelle globale comme dans les grands ensembles fédéraux. Jacques Delors a alerté l’Union européenne : elle est en danger de mort si elle ne coopère pas… dès lors, Bruxelles s’active avec une réserve de matériel médical (l’initiative rescUE dotée de 40 millions d’euros), avec une équipe européenne d’experts scientifiques pour suivre la situation, et avec la mobilisation de ses fonds de cohésion pour protéger les régions les plus affectées. La coopération politique, plus que jamais, est vitale.
Le monde attend son cadeau de Noël : un vaccin
Ces solutions numériques et politiques, pour efficaces qu’elles soient, ne peuvent que stopper définitivement le virus en tant que tel. Le combat final est mené sur un autre front : celui de la recherche pour un vaccin.
Au delà de la stratégie classique de développement d’un vaccin - introduire le pathogène affaibli pour laisser au corps l’occasion de développer une immunité - qui possède de trop nombreux inconvénients dans le cas du Sars-CoV-2 actuel, des idées innovantes sont au coeur de la recherche actuelle.
La technologie la plus prometteuse en Europe est développée par l’entreprise allemande CureVac. Elle bénéficie d’un financement de plus de 80 millions de la part de l’UE. Cette solution est basée sur des molécules d’ARN messager - un constituant génétique à la base de notre système de codage biologique - pour stimuler le système immunitaire.
La même approche est suivie par une entreprise américaine, basée à Boston. « Moderna » annonce lancer prochainement le premier essai clinique sur humain. CureVac annonce le lancement pour juin de son côté.
Ces programmes de recherche, seule véritable solution de long terme à la pandémie, sont au devant la scène internationale. Et pour cause : Donald Trump a été accusé par de nombreuses sources d’avoir tenté d’acheter les brevets de CureVac au profit exclusif des États-Unis. Pour autant, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, aime à lui rappeler que « ces entreprises sont chez elles en Europe. Mais leurs vaccins profiteront à tous, en Europe et par-delà les frontières de l’Union ».
D’autres moyens, privés, sont aussi mobilisés. La Fondation Gates, qui fournit plus de 8 % du budget privé de l’OMS, s’engage. L’organisme non-lucratif norvégien CEPI entend aussi aider au maximum le développement d’un traitement immunisant. Pour le professeur en maladies infectieuses émergentes, Annelies Wilder-Smith, la mise au point d’un vaccin attendra au moins 18 mois… dans un processus qui, habituellement, prend 10 ans.
S’il voit le jour, le vaccin anti-COVID19 aura été le plus rapidement développé de l’histoire. C’est une source d’espoir formidable. Mais un grand défi attend encore les nations : la production en masse de ce futur traitement.
Jonathan Quick, dans son livre The End of Epidemics, a trouvé les mots juste pour prévenir la communauté internationale à ce sujet : « Virus biology and vaccines technology could be the limiting factors, but politics and economics are far more likely to be the barrier to immunisation. »
Considérons-nous prévenus.