Le chemin entre Paris et Marrakech est marqué par une collaboration étroite entre la France et le Maroc. Ce partenariat solide constitue, à l’image de la coopération décisive entre Lima et Paris en amont de la COP21, une dimension essentielle de la préparation de la COP22 qui aura lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016.
La conférence qui a clôturé le Forum Devenir Reporter de l’Institut Open Diplomacy, dimanche 3 avril 2016, posait dès lors la question suivante : comment le Maroc se prépare-t-il à la COP22 ? Pour y répondre, étaient présents S.E.M. Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Royaume du Maroc en France, le Dr. Jean Jouzel, climatologue et glaciologue, ancien Vice-président du GIEC - Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat - et à ce titre lauréat du Prix Nobel de la Paix collectif de 2007, ainsi qu'Antoine Michon, Sous-directeur Climat et Environnement au sein du ministère des Affaires étrangères et du Développement international.
De l'expertise scientifique à la décision politique : une quête d’ambition
Rappelons tout d’abord le lien constructif, souligné par Jean Jouzel, entre le GIEC et les conférences des Nations unies sur le changement climatique. Ces échanges nécessaires entre la communauté scientifique et les décideurs politiques témoignent de la dynamique enclenchée, tout autant que de l’importance des efforts à poursuivre afin d’inscrire les contributions nationales dans une démarche d’amélioration constante, à travers un mécanisme de révision périodique - rendez-vous est donné aux États tous les cinq ans. Relever périodiquement l’ambition de chacun permettrait en effet d’améliorer les résultats individuels et collectifs. Or, pour disposer des moyens de réaliser de telles ambitions, il appartient à la communauté internationale de révolutionner la production, d’innover dans les usages, dans les solutions économiques et sociales, et d’encourager un nouveau mode de gouvernance environnementale.
De Paris à Marrakech : un long chemin vers la ratification
Sur cette note ambitieuse, affirmons, comme l’a souligné Antoine Michon, la dimension rare et historique de l’Accord universel de Paris adopté le 12 décembre 2015. Si cette première étape a été une réussite, il faut à présent signer et ratifier l’accord. Le prochain rendez-vous aura lieu à New York le 22 avril 2016, lors d'une cérémonie organisée au siège des Nations unies à l'occasion de la Journée de la Terre. Les chefs d’État et de gouvernement y sont invités pour signer l’Accord, et ainsi franchir la première étape du processus de ratification. Chaque État pourra ensuite ratifier l’accord conformément à sa législation nationale. Cet Accord entrera en vigueur lorsque 55 pays représentant au total 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre - GES l’auront ratifié. Il s’agit là d’un objectif tout à fait atteignable dans la mesure où les grands pollueurs que sont les États-Unis et la Chine, qui représentent à eux seuls presque 40 % des émissions de GES, ont déjà signifié leur volonté de ratifier l’Accord avant la COP22. Pour autant, la stratégie climatique de l'UE et le processus de ratification de l’accord en son sein appellent une clarification. En tant que traité mixte, l’accord de la COP21 doit être ratifié à la fois par l’Union européenne et par chacun de ses 28 membres. Espérons que la volonté française d’exemplarité poussera ses homologues européens à poursuivre la dynamique enclenchée.
Une « COP de l’action »[1]?
« Si la COP21 était celle des décisions, la COP22 sera celle de l’action » : reprenant les termes de la Ministre déléguée de l’Environnement, Hakima El Haite, l'Ambassadeur Benmoussa a ajouté que la COP22 sera une première étape essentielle du processus lancé avec l'Accord de Paris, qui s’inscrit dans une dynamique « vertueuse et irréversible ». Cette rencontre sera décisive car elle permettra de définir les modalités de mise en œuvre, à partir de 2020, des mesures adoptées à Paris. Pour y parvenir, une importance particulière devra être accordée au financement de l’adaptation aux changements climatiques, notamment à travers la mobilisation du secteur privé et la concrétisation de l’engagement des pays développés à fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement. Le transfert de technologies ainsi que la généralisation du prix du carbone seront également au cœur de la conférence de Marrakech.
Un volontarisme politique affiché par le Maroc face aux défis énergétiques et environnementaux
Pays hôte de la COP22, le Maroc a affirmé son engagement en faveur de la lutte contre le changement climatique. En remettant sa contribution nationale - INDC, il s’est engagé à réduire de 13 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, voire de 32 % sous réserve d’un appui international. Cette proposition a été saluée par le Climate Action Tracker - CAT, groupement de quatre organismes scientifiques indépendants, qui a classé le Maroc parmi les quatre pays ayant fourni une contribution suffisante[2].
Cet engagement du Maroc en faveur de la lutte contre le changement climatique relève d’une stratégie de longue date, et lancée bien avant la désignation de la présidence de la COP22. A titre d’exemple, face au défi du stress hydrique auquel il fait face, le Maroc mène depuis plus d’un demi-siècle un vaste programme de construction de barrages qui a permis de doter le pays d’une importante infrastructure hydraulique - plus de 140 barrages ont ainsi été construits. Afin de prolonger ces efforts, une série de mesures et de réformes a été menée, comme la reconnaissance par la Constitution de 2011 du « droit à l’accès à l’eau et à un environnement sain » dans son article 31, la Charte de l’Environnement[3] ainsi que le Plan Maroc Vert[4]. Dans la continuité de cette politique affichée comme volontariste, le Maroc se concentre aujourd’hui sur le secteur des énergies renouvelables avec pour objectif d’atteindre 52 % d'énergie issue de sources renouvelables dans son mix énergétique à l’horizon 2030. La mise en service de Noor 1, la première étape du titanesque complexe solaire de Ouarzazate, doit permettre au Maroc de réduire sa dépendance énergétique et de s’imposer en tant qu’acteur majeur de la transition énergétique en Afrique et à travers le monde.
Une COP africaine, inclusive et sensible au genre ?
Dans le cadre de sa stratégie de repositionnement sur le continent africain, la COP22 constitue aux yeux du Maroc l’occasion idéale de réaffirmer la vocation africaine de sa politique étrangère. A travers la COP22, le Maroc souhaite en effet mettre en avant sa position stratégique de carrefour Nord-Sud, asseoir son leadership à l'échelle du continent africain, tout en renforçant la coopération Sud-Sud.
Plus encore, la COP22 est une immanquable occasion d'intégrer l’ensemble des parties prenantes, tel que ce fut le cas à Paris, à commencer par la société civile et les autorités locales qui doivent assurément jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le changement climatique.
A ce processus dit « inclusif », s’ajoute l'absolue nécessité d’intégrer les femmes dans la lutte contre les changements climatiques, et de mettre en place une gouvernance environnementale sensible au genre et soucieuse de l’égalité femmes-hommes. Si les femmes sont particulièrement vulnérables aux conséquences des dérèglements climatiques, il convient de rappeler l’impact positif de leur participation à la recherche ainsi qu’à la mise en oeuvre de solutions. Les intégrer davantage à tous les niveaux de négociations sur le climat et sur les processus d’atténuation et d’adaptation, à travers l'ensemble des pays du monde, constitue dès lors un enjeu majeur.
Les défis qui s’imposent au Maroc et à ses partenaires sont donc proportionnels aux opportunités offertes par la Conférence de Marrakech en novembre prochain. Saisissons-les et inscrivons-les dans une vision globale qui reconnaisse l’interdépendance entre les Objectifs du Développement durable - ODD et les enjeux de la COP22.
[1] Déclaration de Hakima EL HAITE, Ministre déléguée à l'Environnement du Royaume du Maroc, à Lima devant l’Assemblée générale de la COP20 en décembre 2014.
[2] Climate Action Tracker, Morocco, 25 juin 2015 [en ligne], page consultée le 17 avril 2016 : http://climateactiontracker.org/indcs.html.
[3] Royaume du Maroc, Charte nationale de l’Environnement et du Développement durable [en ligne], page consultée le 17 avril 2016 http://www.chartenvironnement.ma.
[4] Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime du Royaume du Maroc, "La stratégie du ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime" [en ligne], page consultée le 17 avril 2016 : http://www.agriculture.gov.ma/pages/la-strategie.
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