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Climat : comment maintenir le cap et la COP ?

| Auriane Giorgalla

11 septembre 2020

La COP 26 prévue à Glasgow en novembre prochain est reportée à 2021. Les États devaient y réviser à la hausse leurs engagements en matière de réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Alors que le Forum politique de haut-niveau sur le développement durable s'est tenu du 7 au 16 juillet au sein des Nations unies, où en sommes-nous dans la lutte contre le changement climatique ? Devons-nous attendre ces « grands messes » internationales pour agir ?

Secouée par une crise sanitaire et économique inédite au cours d’une année charnière pour le climat, la communauté internationale est au cœur de tous les défis. Alors, une mission globale s’impose : reconstruire le monde en mieux (« Build Back Better »). Maintenir le cap climatique malgré un calendrier perturbé : tel sera l’objectif.

En effet, la 26e Conférence des Parties (COP26), initialement prévue en novembre 2020 à Glasgow, est reportée d’un an en raison de la pandémie de la Covid-19. Or, c’est à cette occasion que les Etats doivent revoir, à la hausse, leurs engagements en matière de lutte contre le changement climatique. La réduction d’émission de gaz à effet de serre est au centre des débats, s’ils souhaitent atteindre la neutralité carbone d'ici au milieu du siècle. De même, la COP15 de la Convention sur la diversité biologique, prévue originellement en octobre 2020 à Kunming, est reportée à 2021. Mais quand le temps est compté, faut-il attendre ces messes internationales d’ampleur pour réviser ses ambitions et agir ?

La crise de la Covid-19 nourrit ce questionnement en ayant plus que jamais pointé du doigt l’urgence de l’action climatique, une priorité pour le monde d’après. Et pour cause, le plan de relance « Next Generation EU » de la Commission n’a pas manqué d’intégrer ce défi, la relance économique allant de pair avec une relance verte et solidaire. Qu’ils soient à l’échelle européenne ou nationale, ces plans de relance marquent-ils le coup d’accélérateur climatique tant attendu ?

Dans un contexte de crise sans précédent, comment ne pas dévier des objectifs des Accords de Paris et du chemin qui mène à la COP26 ?

La COP à l’épreuve de la crise

Fragilité des systèmes de santé, ébranlement économique, fractures sociales… Autant de fragilités connues, soulignées encore par la crise de la Covid-19, qui nous rappellent à l’ordre. L’objectif va bien au-delà d’une reconstruction du monde d’avant. Il s’agit de rebâtir plus solidement, avec des ambitions fortes pour demain. De plus, parce que la crise révèle aussi des opportunités pour avancer dans la bataille climatique, la communauté internationale doit redoubler ses efforts pour être au rendez-vous.

Après 2015 et la signature des accords de Paris, 2020 marquait un nouveau tournant dans l’action climatique. En amont de la COP26, les Etats devaient communiquer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), et soumettre leur plan climat pour les années futures. Au travers de ces nouvelles contributions, tout l’enjeu pour les États consiste à exposer des ambitions et moyens renforcés afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau national, et atteindre à long-terme un objectif majeur : limiter le réchauffement climatique en-dessous des 2°C.

Néanmoins, pour l’heure, seulement une quinzaine de pays ont transmis leurs contributions actualisées, et les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre manquent à l’appel. Le Royaume-Uni, président la COP26 et censé donner l’exemple, se fait toujours attendre. Cela n’empêche pas des pays, comme le Costa Rica, d’apparaître déjà leader de la lutte vers une économie neutre en émission de CO2. Cependant, quand la crise vient bousculer la tenue de sommets internationaux décisifs, l’impact sur l’annonce des engagements des Etats est majeur. Assistons-nous à une pause, un relâchement, un maintien du cap ou un renforcement des ambitions ?

La donne politique s’invite d’ailleurs au sein de ce débat. D’ici 2021, les enjeux sont encore nombreux dans un contexte géopolitique difficile. Face aux Etats-Unis de Trump ou au Brésil de Bolsonaro, l’Europe et la Chine doivent montrer la voie d’une transition énergétique urgente. Sur la scène internationale et à l’approche des élections présidentielles américaines, il est l’heure pour la Chine, présidente de la COP15 sur la biodiversité, d’affirmer des ambitions climatiques fortes.

Finalement, le report de ces sommets climatiques donnerait peut-être un nouveau souffle à la communauté internationale pour travailler sur la dynamique environnementale et se montrer encore meilleure l’année prochaine. Mais nouveau souffle ne rime pas avec passivité. La situation actuelle doit être une opportunité pour bâtir des moments politiques de réflexion, de coopération sur le réchauffement climatique.

Dès lors, le succès des prochaines COP n’est-il pas à rechercher avant tout dans une relance verte et solidaire de l’économie mondiale, grâce à un engagement assumé des Etats ?

Des plans de relance au rendez-vous pour maintenir le cap climatique ?

Sortir la tête de l’eau par des plans de relance est ce que la Covid-19 impose aux Etats, s’ils veulent se reconstruire en mieux et sauver l’économie. Mais relance économique et transition écologique ne sont pas incompatibles, bien au contraire.

Si certaines actions de la lutte climatique peuvent être retardées, la sortie de crise doit se présenter comme une occasion d’accélérer la transition. On peut espérer que les financements publics assurés par les différents plans de relance s’inscrivent dans un modèle économique vert et durable. Un message que l’Union Européenne n’a pas laissé sans réponse, en intégrant son fameux « Pacte Vert » dans son plan de relance « Next Generation EU ». À l’échelle nationale, la Nouvelle-Zélande et l’Allemagne ciblent déjà des stratégies de croissance verte. Il s’agirait peut-être des premiers pas post-Covid-19 pour espérer maintenir le cap climatique. Encore faut-il que les fonds accordés soient suffisants pour atteindre les objectifs de Paris.

Ces fonds constituent un levier majeur pour soutenir la transition écologique dans de nombreux secteurs : le bâtiment par des investissements dans des matériaux responsables, les transports, l’innovation, la recherche et développement ou encore l’agriculture. Ce dernier secteur n’est pas sans importance pour une tenue des objectifs biodiversité et climat.

Parallèlement, la relocalisation n’échappe ni aux industries européennes, ni à l’Union, qui considère actuellement une « taxe carbone aux frontières ». Elle serait appliquée en particulier aux entreprises fortement émettrices de carbone dans des pays n’ayant pas adopté de mesures visant à diminuer leurs émissions. Les produits importés sur le vieux continent se verraient directement impactés. Cette taxe toucherait principalement les secteurs de l’acier, de l’aluminium ou de l’industrie chimique. Son impact possible reste à déterminer.

Des plans de relance ambitieux, alignés aux objectifs de Paris, avec des fonds dirigés vers la transition énergétique : les clés de la réussite des prochains sommets. Il ne reste plus qu’à générer l’adhésion.

Un engagement prometteur de la société civile et des acteurs privés

Au-delà du niveau étatique ou international, c’est à un niveau multilatéral que la dynamique climatique s’est enclenchée.

Alors que le chronomètre climatique défile, la prise de conscience des risques a grandi dans la société : réchauffement planétaire avec des températures records en 2019, perte de la biodiversité, accroissement des catastrophes naturelles, pollution… Le tout engendrant un besoin urgent d’agir collectivement, à tous les niveaux. Ceci expliquerait en partie l’implication concrète d’une multitude d’acteurs, d’ailleurs confirmée dans les sondages. Près de 47% des citoyens européens placent le climat au premier rang des défis à relever en se sentant pleinement concernés, selon un sondage BVA, dirigé par la Banque Européenne d’Investissement (BEI), en 2019.

Secteur privé, société civile, associations et organisations non-gouvernementales (ONG) font désormais partie intégrante de la lutte contre le changement climatique. En s’emparant de la question, ces acteurs en ont fait une véritable cause à défendre impérativement. Depuis 2017, on assiste à un engagement accru de la société, avec une jeunesse toujours plus présente sur le devant de la scène pour exprimer sa détermination. Car oui, la jeune génération actuelle sera la première à voir les effets du dérèglement climatique. Les divers mouvements à l’initiative de la jeune suédoise Greta Thunberg ne manquent pas pour alerter les dirigeants de l’urgence climatique : grèves étudiantes, manifestations, jusqu’à l'appel au pouvoir judiciaire…

Ces acteurs jouent un rôle majeur dans la transition écologique. Certes, s’il est du ressort des Etats de signer les différents accords lors de sommets, forums, ou COP, leur mise en application doit passer par les actions quotidiennes de la société civile. Prêt à avancer, le citoyen se montre aussi capable de formuler des propositions ambitieuses. C’est ce que la Convention Citoyenne pour le Climat en France a prouvé en juin 2020. 150 citoyens issus de tous les horizons de la société française ont déployé 149 propositions visant à atteindre la transition bas carbone. De quoi être optimiste quant à l’implication des citoyens pour maintenir le cap climatique !

En bref, octroyer une place à tous face au plus grand défi de demain est primordial pour progresser dans les objectifs de l’Accord de Paris et ceux du développement durable à l'horizon 2030 (ODD).