Donald Trump rature, sur ses discours, l’appellation « COVID-19 » et la remplace par « virus chinois » ou « virus de Wuhan ». Dans cette posture unique au monde par son agressivité, il s’isole sur la scène internationale.
À plus forte raison quand le gouvernement chinois présente sa gestion de la pandémie comme une preuve évidente de son sérieux et de son leadership international. Pékin entreprend en effet un effort majeur pour reprendre la main sur le narratif autour du coronavirus. Le Parti Communiste entend véhiculer une image victorieuse de la Chine dans cette crise. Les pays les plus touchés, Europe en tête, semblent eux aussi plus que disposés à accepter l’aide chinoise et à s’inspirer du modèle chinois en la matière.
L’activisme diplomatique de la Chine s’inscrit dans une phase de retrait des Etats-Unis hors des mécanismes multilatéraux, en particulier de l’OMS. Cela ouvre une fenêtre d’opportunité à Pékin pour se positionner comme « médecin du monde ».
Les Etats-Unis gèrent la pandémie sans s’appuyer sur les mécanismes de coopération multilatérale. Ils tendent même à confirmer un certain isolationnisme :
- À Washington, 1,25 Milliard de dollars supplémentaires pour la lutte contre le COVID ont été débloqués, mais rien n’a été prévu dans cette enveloppe pour le financement d’une recherche conduite par l’OMS. Pour rappel, Donald Trump avait présenté en février un projet de budget 2021 qui diminuerait par 2 la contribution des Etats-Unis à l’OMS.
- En parallèle, les Etats-Unis ont fermé unilatéralement leurs frontières aux Européens. Un scandale diplomatique a été évité quand des rumeurs ont circulé sur les velléités américaines de s’approprier le brevet européen de vaccin au seul bénéfice des Etats-Unis.
Dans ce contexte, la Chine multiplie les gestes de solidarité envers les pays touchés, en Asie, en Afrique, en Europe et même aux Etats-Unis et ne manque jamais de médiatiser l’aide apportée. L’Europe est particulièrement concernée par cette dynamique.
Son soutien à l’Italie est probablement le plus significatif. Alors que Rome reprochait à l’Union Européenne de l’abandonner à son sort (la France et l’Allemagne ayant notamment interdit l’exportation de matériel médical), la Chine a annoncé début mars l’envoi en l’Italie de 30 tonnes d’aides médicales et d’une équipe de la croix rouge chinoise. Cette aide a été amplement couverte par les médias chinois et internationaux. Ceux-ci ont d’ailleurs, pour la plupart, oublié de rappeler que l’UE avait au cours du mois de février également fait parvenir 30 tonnes d’aides à la Chine. L’important, c’est qu’en aidant l’Italie, la Chine a su retourner son image et apparaître comme un pays généreux de son aide et de son expertise.
Les aides peuvent provenir d’organisations caritatives, type Croix-Rouge mais également de grandes entreprises chinoises ou bien directement du gouvernement. Les exemples foisonnent. La France a reçu 1 million de masques donnés par le groupe Alibaba aux autorités françaises. Le Luxembourg a reçu 1 500 combinaisons médicales de la China Construction Bank. La Grèce a reçu 8 tonnes de matériel médical directement du gouvernement chinois. En dehors de l’UE, on pourrait parler de la Serbie, qui a accueilli une équipe de médecins chinois mi-mars, ou de l’Iran, qui, malgré les sanctions américaines, a réceptionné du matériel et des équipes médicales envoyés par la Croix-Rouge chinoise. L’ancien patron d’Ali Baba, Jack Ma, a également annoncé une aide à chacun des 54 pays africains, qui ont pour certains déjà reçu une partie des produits promis. Il a également fait une annonce similaire en faveur de 10 pays d’Asie du Sud et du Sud-Est.
Par la mobilisation de ses organismes caritatifs et de ses firmes globales, la Chine a retourné la situation : elle n’est plus la source du problème, mais la ressource pour les solutions.
D’ailleurs, la relation que la Chine entretient avec l’OMS, depuis le déclenchement de la pandémie, illustre l’ambivalence de son positionnement. Elle cherche à apparaître comme un Etat responsable et coopératif dans les instances internationales sans compromettre son objectif de contrôler strict de son image.
La Chine a ainsi été bien plus transparente avec l’institution internationale que lors de l’épidémie du SRAS. Le gouvernement, en particulier local, a certes dissimulé les premiers cas de COVID-19. Cependant, quand l’épidémie a pris de l’ampleur, la communication avec l’OMS a permis une remontée plus transparente de l’information. La Chine de 2020 n’est en effet plus celle de 2003: Xi Jinping entend montrer que le pays s’est développé et agit de manière responsable sur le plan international.
Mais parallèlement, la Chine a exercé des pressions sur l’OMS. Elle a même réussi à retarder la qualification de l’épidémie en tant qu’urgence mondiale. Elle est également parvenu à faire exclure Taiwan des réunions d’urgence organisées par l’OMS. Enfin, le rapport jugé très favorable de l’OMS sur la gestion chinoise de la crise a soulevé des questions sur l’indépendance de l’institution.
La Chine n’est pas le seul modèle de gestion réussie du virus. La Corée du Sud, Taiwan ou encore Singapour sont des contre-modèles qui ont su protéger leur population sans imposer de confinement total. Mais Pékin est en train de remporter la bataille médiatique dans la pandémie…. surtout quand le « leader du monde libre » se montre aux abonnés absents.