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Brexit : pourquoi la relance européenne ne sera pas française

par Thomas Friang, président de l'Institut Open Diplomacy, reporter au Conseil européen des 28 et 29 juin 2016 en partenariat avec Toute l'Europe

27 juin 2016

Cet article est rédigé grâce à la coopération entre Open Diplomacy et touteleurope.eu.

Le Brexit est un choc. On peut se rassurer en se disant que 48 % des Britanniques voulaient rester et qu'une majorité des jeunes étaient pro-européens ; on peut spéculer en imaginant qu'une pétition peut renverser la dynamique alors que le UKIP s'est décrédibilisé et que l'Ecosse et l'Irlande du Nord menacent d'indépendance pour retourner au sein de l'Union...

Il n'en demeure pas moins : David Cameron arrive au Conseil européen des 28 et 29 juin avec le mandat populaire, bon gré, mal gré, d'activer l'article 50 du Traité de l'Union européenne prévoyant la sortie volontaire et unilatérale d'un Etat membre. Le Conseil européen se réunit donc avec le devoir de trouver les mots pour tracer la voie d'une Europe à 27.

Nous ne sommes plus 28

"Out is out" titre Newseurope ce 27 juin. Entre les lignes : "Democracry is Democracy". En d'autres termes, impossible pour la Chambre des Communes de revenir sur ce référendum comme les Parlements français et néerlandais ont fait adopté le Traité de Lisbonne, après le rejet du Traité établissant une constitution pour l'Europe en 2004. Dans cette situation, il faut imaginer une autre Europe et les lignes de fracture commencent à se dessiner. Contre le plus d'Europe qu'envisage du bout des lèvres François Hollande, Angela Merkel veut consolider l'existant. Voilà pourquoi elle refuse de recevoir son homologue français seul, et a convié également Matteo Renzi à la Chancellerie le 27 juin dernier.

A la veille du Conseil européen des 28 et 29 juin, la France n'est de toutes façons pas crédible pour porter la relance du projet européen.

L'Allemagne chargée d'écrire le prochain chapitre de l'Union

Politiquement, la France est trop instable pour se positionner en chef de file européen. Malgré son statut historique de membre fondateur de l'UE, la France est aujourd'hui dominée par une force politique clairement eurosceptique qui réclame un référendum comparable à celui organisé au Royaume-Uni : le Front national. Le Président de la République est également trop peu suivi par la population et par sa propre majorité pour une initiative de grande ampleur. Angela Merkel le sait et ne se risque pas à recevoir les propositions de François Hollande pour faire du couple franco-allemand le moteur de la sortie de crise.

L'économie française empêchera François Hollande de prendre la barre

La France devrait bientôt être le seul Etat membre de l'Union européenne ayant un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations unies et assume un effort de guerre très important pour l'UE, lui conférant une influence politique considérable.

Pour autant, ce sont les faiblesses économiques de l'Hexagone qui primeront dans la joute qui s'annonce pour prendre l'initiative au Conseil européen :

  • La France est attendue au tournant pour prendre d'ici 2017 des actions correctrices durables, effectives et efficaces contre son déficit excessif : les coupes budgétaires attendues par l'Union sont encore trop peu précises et les progrès pour effectuer une revue générale des politiques publiques sont timides.
  • Les fruits du CICE (Crédit Impôt Compétitivité Emploi) et du Pacte de responsabilité pour relancer la compétitivité des entreprises françaises peinent à mûrir. L'allègement des contraintes administratives pesant sur la croissance et la libéralisation des professions réglementées sont encore attendus par Bruxelles. Les amendements à la Loi El Khomri ("loi Travail") inquiètent également la Commission qui attend une réforme en profondeur du dialogue social français, pour qu'il soit développé plus au niveau des entreprises.
  • La réforme fiscale visant à plus de simplicité et d'efficacité patine aussi : sur les 100 impôts et taxes identifiés comme "inefficients" par l'Inspection générale des Finances en 2014, seulement 2 ont été supprimés par la Loi de finances de 2016.

La croissance française reviendra, en 2016, péniblement au niveau de la croissance allemande selon les prévisions du FMI : 1,5 % en France en 2016 contre 1,7 % en Allemagne en 2015. Même si cette dernière n'est pas non plus exempte de tout reproche de la part de l'UE, notamment en matière de relance de l'investissement et de réforme des retraites, l'Allemagne dispose toujours d'un temps économique d'avance sur la France, qui confère à Angela Merkel un avantage politique pour ce Conseil européen.

Les opinions et interprétations exprimées dans les publications engagent la seule responsabilité de leurs auteurs, dans le respect de l'article 3 des statuts de l'Institut Open Diplomacy et de sa charte des valeurs.