Cet article est rédigé grâce à la coopération entre Open Diplomacy et touteleurope.eu.
Regards croisés de trois parlementaires européens sur le Brexit, alors que le Conseil européen se réunit pour la dernière fois avec David Cameron, le Premier ministre britannique.
#opendiplo : quelles sont vos impressions à l'issue de cette assemblée plénière historique ?
Younous Omarjee, Député européen élu de la Réunion (GUE/GNL - l'extrême gauche européenne), parle d'"une plénière hors-norme, historique, à la hauteur du Brexit - même si elle n'était pas emprunte de gravité", même s'il regrette une campagne britannique qui s'est jouée sur "une ultra-droitisation des enjeux, avec des thèmes de campagne sur les crises européennes, la crise des réfugiés [...] et la peur de l'islamisme".
Constance le Grip, Eurodéputée Les Républicains d'Ile-de-France, s'étonne pour sa part de l'ambiance : "j'ai eu l'impression d'assister en direct à l'implosion du Royaume-Uni, avec des voix d'Ecosse et d'Irlande du Nord très différentes des voix anglaises."
Pour Edouard Martin, Eurodéputé socialiste du Grand Est, c'est le calendrier du Brexit qui était au centre de cette plénière du Parlement européen : "Les Britanniques veulent sortir de l'Europe [...] mais en même temps ils nous demandent de leur laisser le temps de décider quand et comment ils veulent sortir. [...] Ils ne peuvent pas nous prendre en otage !"
#opendiplo : le Brexit offre-t-il une chance pour relancer l'Europe ?
Constance le Grip n'hésite pas à positiver : "Je n'ai pas souhaité et je déplore le Brexit, mais c'est un électrochoc, peut-être une opportunité voire même une chance pour tirer des conclusions sérieuses pour élaborer les modalités de la reconstruction d'un projet européen viable."
Cette relance européenne est plutôt un repositionnement stratégique pour l'Eurodéputée francilienne : "je suis pour un dialogue sans concession et sans tabou avec l'Allemagne pour définir une position commune sur la priorité des priorités : re-concentrer l'Union européenne sur des compétences limitées, stratégiques, que nous ne pouvons pas exercer sans souveraineté partagée. La présence de la Commission n'est pas forcément nécessaire sur d'autres sujets."
Moins restrictif, son collègue socialiste Edouard Martin n'en est pas moins aussi exigeant sur les objectifs politiques d'une telle relance : le Brexit est "une chance, à condition de ne pas continuer avec le sacro-saint marché qui gouverne. Oui, il faut repenser l'Europe, l'infléchir pour la ramener aux préoccupations des citoyens, à conditions que l'on tire les bonnes leçons de ce qui vient de nous arriver. Sinon je crains que Nigel Farage (leader du UKIP, le parti souverainiste britannique, ndlr) ait raison, d'autres pays pourraient demander à sortir de l'UE."
A sa gauche, Younous Ormajee rappelle que "l'Europe s'est construite sur le démantèlement des douanes et sur la liberté de circulation". Son diagnostic est sans appel : la crise économique et la crise identitaire auxquelles nous sommes confrontés "concernent directement" ces deux piliers de la construction européenne, laissant ainsi prospérer les partis pour qui "les frontières ont une nouvelle vitalité comme le meilleur rempart à ces deux crises".
Pour autant, il est convaincu que l'on doit s'appuyer sur "le choc que représente le Brexit dans toutes les sociétés européennes, sans faire preuve de cécité, sans continuer sur les mêmes voies avec les mêmes institutions. Par exemple, il faut aller plus loin dans la flexibilité quant à l'application du Pacte budgétaire. L'Europe ne peut pas continuer à signifier +surveiller et punir+ sans que l'on ne perçoive la plus-value des politiques."
Propos recueillis par Thomas Friang, Marie-Sixte Imbert et Justine Daniel le 28 juin 2016 à Bruxelles.
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