Qu’il s’agisse de rencontres bilatérales ou multilatérales, la question de la ratification de l’Accord de Paris occupe depuis décembre 2015 le premier plan des discussions internationales. Car l’accord obtenu entre les 177 États en décembre 2015 à la suite des négociations de la COP21 n’a en effet pas encore été ratifié par assez de pays pour représenter au moins 55 % des émissions mondiales, condition sine qua non à son entrée en vigueur. A quelques semaines de la COP22 qui se déroulera du 7 au 18 novembre prochains à Marrakech, l’entrée en vigueur devrait se concrétiser prochainement, ouvrant la porte à de nouvelles négociations.
La France, pays hôte de la COP21, accorde une importance toute particulière à l’avancement de ce processus de ratification de l’Accord de Paris, ce que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères et du Développement international a rappelé le 9 septembre dernier. Et l’actualité s’y prête, comptant des avancées récentes majeures dans ce sens, à l’image de la déclaration sino-américaine, début septembre, d’une ratification d’ici la fin de l’année. Car l’enjeu est de taille : l'Accord de Paris définit comme objectif un maintien de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C » par rapport aux niveaux pré-industriels. Cet accord à vocation universelle introduit l’objectif d’une maîtrise des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’une transition énergétique vers plus d’énergies renouvelables. Il instaure également un mécanisme d’évaluation des politiques climatiques des États tous les cinq ans, et un financement de 100 milliards de dollars par an des pays du Nord en direction des pays du Sud à partir de 2020, pour les aider à financer leur développement durable.
Adoption de l'Accord de Paris, 12 décembre 2015, Le Bourget, France.
Septembre 2016 : une vague de ratifications à l’approche de la COP22
L’annonce de la ratification par les États-Unis et la Chine de l’Accord de Paris à la veille du G20 le 3 septembre 2016, a marqué un tournant majeur dans le processus d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. En effet, jusque-là, ce dernier n’avait été ratifié que par une vingtaine d’États, principalement insulaires, qui ne représentaient qu’une faible part des émissions mondiales de GES. Les États-Unis et la Chine représentant au contraire à eux deux 38 % de cess émissions mondiales de GES, ces annonces successives ont envoyé un signal fort en ouverture au sein d’un sommet qui réunissait les chefs d’État et de gouvernement des vingt économies les plus puissantes de la planète, soit 80 % des émissions mondiales.
L’Inde a également ratifié le 4 octobre dernier l’Accord de Paris, à la suite de l’annonce faite en marge du sommet de l’ASEAN début septembre. Cette ratification de par l'Inde est également un symbole de taille : le pays compte en effet parmi les cinq premiers émetteurs mondiaux de CO2 avec la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et la Russie - tout en ne représentant relativement que 4 % des émissions mondiales de GES. En outre, le pays, confronté à une importante pauvreté, a été un des plus réticents envers l'adoption de l'Accord, craignant qu’il n’entrave son développement économique.
L'institut Climate Analytics a ainsi recensé 34 autres pays qui s'étaient engagés à ratifier l’Accord d'ici fin 2016 tels que le Brésil, le Canada, le Japon ou l’Iran, représentant environ 60 % des émissions mondiales. Si ces Etats ratifiaient effectivement l’Accord, l’entrée en vigueur serait possible avec un ensemble de pays représentant 60 % des émissions mondiales. Dès lors, si « Une entrée en vigueur avant la COP22 semble très difficile », cette perspective reste « jouable avant la fin de l'année », selon Célia Gautier du Réseau Action Climat - RAC.
L’Organisation des Nations unies a bien saisi toute la mesure de cet enjeu : en organisant une réunion le 21 septembre dernier, elle a permis d’accélérer le processus. Une vague de ratifications a alors vu le jour, avec 62 Etats signataires à ce jour représentant près de 52 % des émissions de GES mondiales, soit seulement 3 % manquants pour atteindre le seuil nécessaire pour l’entrée en vigueur.
Le président américain Barack Obama et le Premier ministre indien Narendra Modi,
New Delhi, janvier 2015.
Des incertitudes persistent sur la possibilité d’une entrée en vigueur de l’Accord de Paris avant fin 2016
En août dernier, le président français François Hollande estimait néanmoins qu’une entrée en vigueur de l’Accord de Paris avant la fin de l’année était « loin d’être acquise ».
Les pays européens viennent également d’annoncer avoir ouvert la voie à la ratification de l’Accord par l’Union européenne simultanément avec les États membres. Cette ratification devrait être entérinée mercredi 5 octobre selon une procédure accélérée. Il s’agit d’un grand pas en avant puisque l’Union européenne, auparavant leader sur les questions climatiques, était restée jusqu’ici silencieuse du fait de la division entre les États sur les efforts à fournir pour atteindre l’objectif d’une réduction de 40 % des émissions de GES. A ce jour, seuls six États de l’Union européennes ont ratifié le texte (Allemagne, Autriche, France, Malte, Hongrie, Slovaquie) même si tous ont prévu de le faire. La ratification par l’Union européenne est néanmoins cruciale pour l’application de l’Accord au sein des États membres, puisque l’environnement et le changement climatique sont un domaine de compétence partagé entre l’Union et les États. Toutefois, les modalités de répartition des efforts n’étant pas encore définies, les négociations nécessaires à une entrée en vigueur effective de l’Accord sont loin d’être terminées pour les pays européens.
Comptant parmi les principaux émetteurs mondiaux, la Russie se trouve par ailleurs, pour l’instant, en retrait du processus de ratification. En outre, des doutes planent également sur la pérennité de la ratification américaine. Car c'est la la légalité même d’une ratification de l’Accord par décret présidentiel qui est remise en cause par les Républicains, majoritaires au Congrès et opposés à l’entrée en vigueur d’un texte qu’ils rejettent. Le processus de ratification pourrait également être affecté par le recours déposé par 27 États américains devant un tribunal fédéral contre le « Clean Power Plan », programme fédéral soutenu par le président Barack Obama afin de réduire notamment les émissions des centrales électriques. En outre, le candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, a promis de rejeter cet Accord de Paris s'il était élu le 8 novembre prochain.
Au-delà de cette question, à la fois politique et symbolique, de la date d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, avant ou après le 31 décembre 2016, cette ratification ne signifie pas pour autant la fin du processus, car il faudra ensuite définir les modalités d'application détaillées de l'Accord pour une réalisation effective des engagements pris par les États. Selon Alden Meyer, directeur international de l'Union of Concerned Scientists, cela pourrait prendre encore une ou deux années. Un délai long au regard des aux investissements massifs qui seront nécessaires pour développer notamment les énergies renouvelables et permettre ainsi une application effective de l’Accord. Selon les chercheurs Glenn Jones et Kevin Warner de l’Université du Texas, la part des renouvelables devrait ainsi atteindre 50 % du mix énergétique mondial d’ici 2028 pour rester sous l’objectif des 2°C - alors que cette part ne s’élève aujourd’hui qu’à 9 %.
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