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Le harcèlement scolaire, dans le viseur du G7 Education

Jean-Baptiste BOYSSOU, Reporter au G7

31 juillet 2019

« Lire, écrire, compter, respecter autrui ». Les savoirs fondamentaux sont aujourd’hui officiellement annoncés comme étant au nombre de 4 par le ministère de l’Education Nationale. Au-delà des traditionnels savoirs techniques indispensables, une quatrième entité, à portée morale, a fait son apparition : le respect de l’autre, comme apprentissage, mis en péril par le harcèlement scolaire. Conscient de cet enjeu majeur, le G7 Education réuni à Sèvres le 4 juillet 2019, au Centre International d’Etudes Pédagogiques (CIEP), a souhaité présenter les objectifs de lutte adoptés contre le harcèlement en milieu scolaire.

Le harcèlement scolaire, fléau de l’éducation mondiale

« Le harcèlement est inacceptable et ne peut pas être toléré. » « Le harcèlement provoque un effet négatif sur la santé, le bien-être et la réussite académique de tous les élèves. » Les ministres de l’éducation du G7, au travers d’un communiqué conjoint, n’ont pas de mots assez durs pour décrire la dangerosité des pratiques de harcèlement pour l’ensemble du système éducatif. Et pourtant, d’après les estimations de l’OCDE et de l’UNESCO, jusqu’à 30 % des élèves ont connu une situation de harcèlement, au niveau mondial, tandis que 10 % vivent cette situation au quotidien.

Afin de dépasser le travail sur l’élaboration d’un cadre scolaire centré sur la réussite et l’innovation pédagogique, les ministres du G7 ont souhaité axer leur réflexion sur le bien-être des élèves, et donc déclarer dans un communiqué conjoint que « le respect est un principe fondamental […] qui permet d’assurer que nos écoles soient sécurisées et accueillantes pour tous les élèves. »

La lutte contre le harcèlement, ardue du fait de la difficulté de détecter et d’identifier les situations qui en relèvent, rejoint le cadre global de la présidence française du G7 souhaitant combattre les inégalités au niveau mondial. Dans cette optique, quatre thèmes majeurs ont été identifiés par les 7 pays les plus puissants au monde, afin de combattre les situations de harcèlement : informer, prévenir, éduquer et prendre en charge. Derrière ces verbes d’action, qui soulignent la volonté d’agissement des ministres de l’Éducation, plusieurs mesures concrètes seront adoptées durant le G7 de Biarritz.

La difficulté d’identifier des actes de harcèlement les favorise. Ainsi, l’ensemble des acteurs scolaires doit pouvoir s’informer et informer sur ses dangers : la sensibilisation et l’éducation des acteurs éducatifs, ainsi que des élèves eux-mêmes, est au coeur du dispositif souhaité par les ministres de l’Education. Jean-Michel Blanquer a d’ores et déjà annoncé la mise en place d’un réseau d’ambassadeurs, des élèves qui pourront sensibiliser directement leurs camarades aux dangers du harcèlement. 9 600 feraient partie de la première session de formation, tandis qu’un site dédié « Non au harcèlement » sera mis en place pour l’accompagnement de ces situations. Un label associé à ce programme est décerné depuis 2013 et permet de récompenser les meilleurs supports, affiches, vidéos ou autres, permettant de mettre en avant la lutte contre le harcèlement scolaire comme numérique, dans un programme global pour l’amélioration du climat au sein des écoles.

Une lutte aux acteurs variés, au sein de sociétés numériques

Les forces politiques ne sont par ailleurs pas les seules impliquées dans la lutte contre le harcèlement scolaire, l’UNESCO, par ses nombreux rapports éducatifs et son suivi des milieux scolaires, souhaite s’engager auprès de la communauté internationale contre ce qu’il faut bien reconnaître comme « une atteinte contre le droit à une éducation de qualité » comme le met en avant Audrey Azoulay, directrice générale de l’organe onusien.

Profitant de la variété des acteurs présent aux côtés des gouvernements dans l’élaboration des mesures à préconiser lors du G7 de Biarritz, le ministère de l’Education Nationale a présenté un plan de 10 mesures, donnant le ton pour une lutte mondiale contre le harcèlement. L’implication d’organisations internationales, comme l’UNESCO, est concrétisée par la production de recommandations pour les Etats ou encore par l’implication du monde de la recherche. Dans ce but, l’organe de l’ONU a annoncé récemment la création de la première chaire universitaire sur le thème du harcèlement scolaire, en partenariat avec l’université de Dublin.

Offrir un programme de formation clé en main (dix heures d’apprentissage par élève, un kit d’information pour les parents, etc.), éduquer tous les personnels encadrants aux problématiques du harcèlement ou inclure le droit à l’éducation sans harcèlement dans le code éponyme font partie des décisions prises par le ministère de l’Education Nationale. Ces mesures générales, applicables à tous les pays du globe, sont complétées par des mesures plus spécifiques à certaines formes de harcèlement, qui peuvent souvent s’avérer les plus virulentes.

« Je suis leur souffre-douleur, ma vie est un cauchemar… Je ne vis plus, je survis. » « Même mes larmes sont silencieuses. » « Pour moi, c’est fini. » Les mots prononcés par Brigitte Macron, envoyés par des élèves français lui ayant écrit sur la question du harcèlement, sont insupportables. Le harcèlement, qui était jusqu’alors limité à l’environnement scolaire, n’a désormais plus de frontières et de limites, du fait de l’émergence du numérique dans le quotidien des élèves. Réseaux sociaux et cyberharcèlement vont de pair dans de nombreuses situations, amplifiant le caractère destructeur pour les élèves qui en sont victimes. « Le harcèlement est particulièrement insupportable […] parce qu’il est amplifié par les réseaux sociaux », comme le souligne Brigitte Macron. Afin de suivre ce développement de la haine en ligne, plusieurs plateformes ont été mises en ligne au niveau mondial, par pays, afin de permettre aux victimes et à leur entourage de se confier nuit et jour : en France, ce numéro est le 3020 ou le 0800 200 000.

« La bienveillance, cela s’apprend, et c’est à la maternelle et au primaire que l’on doit faire porter beaucoup de nos efforts. » Jean-Michel Blanquer, porte-parole du G7 Education présidé par la France, souhaite également montrer l’interconnexion entre toutes les mesures prises. Imposer l’école obligatoire à partir de 3 ans, mesure phare de ce G7 Education, est également envisagée via le prisme de la lutte contre le harcèlement : afin d’assurer un développement moral des élèves optimal au plus tôt dans leur existence, l’encadrement sur les questions de harcèlement doit être à la hauteur de cet allongement de la vie académique.

Harcèlement homme/femme : mettre fin à la violence de genre en milieu scolaire

Identifier l’impact du harcèlement mais également cerner l’existence de toutes ses formes possibles est ainsi la mission que se donne l’UNESCO. Avec la publication en janvier 2019 du rapport Au-delà des chiffres : en finir avec la violence et le harcèlement à l’école, l’UNESCO a rassemblé les données de plus de 144 pays concernant l’impact et la portée du harcèlement dans le quotidien des élèves. La difficulté d’action réside dans la variété des systèmes éducatifs mondiaux, qui vont de l’école privée de l’hémisphère nord aux contrées reculées et sous-équipées. Le contraste entre eux est important : alors que certains prônent le respect d’autrui, d’autres autorisent toujours les châtiments corporels à l’école.

Le harcèlement de genre est le deuxième type de harcèlement classé par l’UNESCO. Il est lié aux inégalités homme/femme déjà existantes, et est omniprésent sur les bancs des écoles de notre planète. Ainsi, Stefania Giannini, sous-directrice de l’UNESCO pour l’éducation, souligne que « 27% des adultes pensent que l’éducation est plus importante pour un garçon que pour une fille. » Ce type de croyance est ce qui a permis l’établissement d’un si fort harcèlement de genre au sein des écoles. La violence de genre en milieu scolaire désigne des « actes ou des menaces de violence sexuelle, physique ou psychologique perpétrés dans les écoles et leur environnement, résultant de normes et de stéréotypes de genre, et imposés par des rapports de force inégaux », selon la définition de l’UNESCO adoptée dans le rapport sur cette thématique. Le G7 Education met ainsi en avant deux objectifs fortement corrélés des politiques éducatives modernes au niveau international : combattre le harcèlement scolaire et permettre l’émancipation des femmes et des filles par l’éducation.

Le groupe de travail mondial établi en 2014 par les organes onusiens de réflexion sur les milieux éducatifs et la lutte contre la harcèlement de genre a ainsi identifié plusieurs axes de lutte, dont l’un est mis en avant par Audrey Azoulay : « Il nous a aussi semblé essentiel de donner aux États un outil de mesure harmonisé permettant d’appréhender de façon précise l’ampleur du harcèlement. […] Nous disposons d’un indicateur global permettant de mesurer l’influence du harcèlement, qui rassemble les données de 105 pays au travers de cet indicateur présenté par l’institut de statistique de l’UNESCO. »

La France accueillera en 2020 le premier colloque international sur ce thème. Il rassemblera des acteurs gouvernementaux, notamment ceux des pays du G7, des acteurs civils et des acteurs institutionnels. L’UNESCO, par la voix de sa directrice générale, s’est déclarée « ravie de participer à ce colloque : […] c’est avec ce genre de partenariat que nous avancerons. »

La lutte contre le harcèlement, en cohérence avec l’objectif de réduction des inégalités mondiales du G7 de Biarritz, est pour la première fois reconnu comme une thématique internationale, rassemblant les nations autour d’un combat pour « faire avancer les causes les plus importantes de l’humanité », d’après les mots de Jean-Michel Blanquer en ouverture de la conférence du 5 juillet à l’UNESCO, devant plus de 1300 acteurs de l’éducation mondiale.