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Faire le choix du revenu universel, « même [pour] Hamon ça n'a pas été évident »

Par Youssr Youssef, étudiante à l’Ensae et à l'Inalco en langue et civilisation arabe

10 avril 2017

Dans le débat politique, c'est avec la primaire de la gauche que le revenu universel a fait son entrée. Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste et vainqueur de la primaire de la « Belle Alliance populaire » en a fait une mesure phare de son programme pour l’élection présidentielle d'avril et mai 2017. Mais comme nous confie Benoit Carrère, collaborateur du rapporteur de la mission d'information du Sénat sur le revenu de base, « même avec Hamon ça n'a pas été évident ». Le principe est simple : reverser à chacun un revenu sans contrepartie, mais la mesure est complexe à justifier voire à situer sur l'échiquier politique et idéologique. Aujourd'hui, en France et dans le monde, le revenu universel réunit comme il divise, à droite comme à gauche.

A gauche : Baptiste Mylondo, du courant écologiste. A droite : Gaspard Koening, du courant libéral. Débat d'Arte 28 minutes : « Repenser le travail » - cf. page 6 de l'analyse sur les différents courants idéologiques et politiques derrière le revenu de base.

Si la question de la protection sociale préoccupait déjà depuis longtemps le candidat socialiste, ce ne fut que courant avril 2016 qu'il se prononça définitivement en faveur du revenu universel. Dès novembre 2013, c'était le parti Europe Ecologie / Les Verts – EELV qui adoptait à une large majorité une motion de soutien à l'idée d'un revenu d'existence universel. De l'autre côté du spectre politique, Christine Boutin, Frédéric Lefebvre ou encore Dominique de Villepin sont autant de personnalités politiques qui elles aussi proposent leur propre version du revenu de base.

Dans un rapport[1] remis en janvier 2016, le Conseil national du numérique, « sans prendre position sur un dispositif particulier » préconisait de réaliser des études de faisabilité « de chaque proposition présente dans le débat public » et d'accompagner les territoires qui expérimentent déjà des scénarios divers de revenus de base. On peut citer à ce titre la région Nouvelle-Aquitaine qui a lancé en avril 2016, pour un peu plus d'une année, une étude à ce sujet. Le département de la Gironde a même récemment proposé un simulateur du revenu de base accessible à tous en ligne[2].

A l'initiative du sénateur socialiste Daniel Percheron et présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe du MoDem, la mission d'information[3] « sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France », qui a réuni 27 sénateurs, parmi eux des républicains comme des socialistes, s'est accordée en octobre 2016 pour proposer d'expérimenter certaines formes du revenu de base dans un nombre restreint de territoires en France. Reste à attendre l'impulsion gouvernementale et un projet de loi à venir.

Certains de nos voisins européens sont eux déjà passés aux étapes suivantes. C'est le cas notamment des Pays-Bas[4] dont le gouvernement au début de l'année 2016 s'était dit prompt à financer des plans de mise en place du revenu de base dans certaines villes du pays. La Finlande quant à elle a tiré au sort 2 000 demandeurs d'emplois qui depuis le 1er janvier 2017 reçoivent un revenu de base à la place de leurs allocations chômage.

Pas encore suffisamment plébiscitée, mais de plus en plus populaire ces dernières années au point d'être expérimentée[5], l'idée du revenu de base n'est pourtant pas nouvelle. Elle est née d'une utopie, l'Utopia de Thomas More, il y a de là cinq siècles. Utopia, c'est le récit d'un voyage dans une île de meilleure gouvernance. Thomas More s'imaginait alors un revenu garanti qui permettrait d’« assurer l'existence à tous les membres de la société »[6]. Aujourd'hui, qu'entend-on par revenu universel ?

Légende de la photo en bandeau : conférence organisée par l’Institut Open Diplomacy, le 4 février 2017 (c) Pierre Gouineau. De gauche à droite : Jean-Eric Hyafil, doctorant en économie à l’Université Panthéon Sorbonne ; Antoine Stephany, membre du Mouvement français pour un Revenu de Base ; Benoit Carrère, collaborateur du Sénateur Daniel Percheron, Rapporteur du rapport du Sénat sur le revenu de base.

Les opinions et interprétations exprimées dans les publications engagent la seule responsabilité de leurs auteurs, dans le respect de l'article 3 des statuts de l'Institut Open Diplomacy et de sa charte des valeurs.

[1] « Rapport travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires », Conseil national du Numérique, 6 janvier 2016, consulté le 1er mars 2017 [en ligne], URL : https://cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2015/12/Rapport-travail-version-finale-janv2016.pdf

[2] Le 15 février 2017, le département de la Gironde mit en ligne son simulateur du revenu de base : http://simulrb.extra.gironde.fr/digdash_dashboard/gironde/simulRB.html. Il donne un large choix quant au montant et au financement du projet. Dès le 03 avril 2017, c’est le candidat socialiste, Benoît Hamon, qui propose sur son site de campagne un simulateur du revenu de base tel qu’il est inscrit dans son programme : https://www.benoithamon2017.fr/rue/. Pour expliquer sa mesure, il annonce le même jour le départ de trois caravanes de militants qui prévoient de sillonner cent villes jusqu’au 21 avril 2017, soit deux jours avant le premier tour de l'élection présidentielle.

[3] « Mission d'information sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France », Sénat, consulté le 1er mars 2017 [en ligne], URL : http://www.senat.fr/commission/missions/revenu_de_base_en_france/index.html

[4] "Minister says no to Terneuzen basic income experiment", Dutch News, 26 janvier 2017, consulté le 16 février 2017 [en ligne], URL : http://www.dutchnews.nl/news/archives/2017/01/minister-says-no-to-terneuzen-basic-income-experiment/

[5] « Carte : le revenu universel et ses expérimentations dans le monde », Le Monde, mis à jour le 30 décembre 2016, consulté le 16 février 2017 [en ligne], URL : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/06/05/carte-le-revenu-universel-et-ses-experimentations-dans-le-monde_4936892_4355770.html  

[6] MORE Thomas (traduction de STOUVENEL Victor), L’Utopie, Editions Paulin, 1842, 309 pages.