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COVID - Comment éviter la panique financière ?

| Anne-Victoire Maizière, Junior Fellow de l’Institut Open Diplomacy

10 avril 2020

Le 9 et le 12 mars, les marchés financiers ont enregistré consécutivement deux krachs boursiers d’ampleur comparable à la crise de 2008. En France, le CAC 40 a enregistré une baisse de 12,3 % lors de ce deuxième choc : c’est sa pire évolution depuis sa création en 1987. Qu’est-ce qui provoque un tel vent de panique ? Le cocktail délétère d’anticipation d’une pandémie et de la chute du prix du pétrole.

Les banques ont particulièrement été touchées par ce krach boursier. Cela s’explique par leur exposition à l’industrie pétrolière, à leurs activités avec l’Italie et surtout à l’anticipation de faillites chez leurs clients. De plus, l'épidémie génère un besoin de liquidité mettant les banques sous pression car l’économie à l’arrêt se tourne naturellement vers son système bancaire pour gérer les problèmes de trésorerie. Le risque est que cette demande soudaine puisse entraîner une crise de liquidité au sein des banques, puis à plus long terme se transformer en crise de solvabilité.

C’est ce problème que l’on a connu durant la crise des subprimes : le gel du marché interbancaire, provoqué par un effondrement de la confiance, a progressivement donné lieu à des faillites d’institutions financières devenues illiquides puis insolvables. Pourtant, la comparaison s’arrête là entre 2020 et 2008 car la réalité est très différente aujourd’hui. 

En effet, la précédente crise était d’origine financière. Elle provenait de la diffusion au monde d’un problème d’origine américaine, à savoir le retournement du marché immobilier ayant provoqué la faillite de nombreux épargnants. Aujourd’hui, nous assistons à une crise sanitaire mondiale affectant d’abord et directement l’économie réelle, puis se répercutant sur le système financier. Quelles solutions existent dans ce cas de figure ? Décryptage.

1) Stopper la spéculation qui accélère l'effondrement

En anticipant une chute de la valeur des actifs boursiers, certains investisseurs tentent de réaliser des gains par la pratique de la vente à découvert (short selling) ce qui ne fait que contribuer à la baisse brutale des actifs financiers. 

La vente à découverte est une pratique qui consiste à emprunter des actifs à un courtier, de les vendre, puis de les racheter une fois que la valeur des actifs a baissé. La différence entre le prix de vente et d’achat constitue le gain. Le 13 mars 2020, l’Italie et l’Espagne ont interdit ce type de pratique, 4 jours plus tard la France a pris une décision identique.

2) Sécuriser le financement de l’économie par tous les moyens

Les banques centrales ont mis en place des politiques destinées à réduire le risque de liquidité auquel font face les banques et les entreprises. 

Cela passe par une baisse des taux d’intérêt directeur, le lancement d’un nouvel assouplissement quantitatif ou un programme de prêts à long terme accordés par la banque centrale aux banques (c’est le programme LTRO de la BCE par exemple). En somme, on diminue le prix de l’argent et on augmente la quantité d’argent à disposition.

Le 18 mars, la BCE a annoncé un « programme d’achat d’urgence pandémique » (PEPP) de 750 Mds EUR. Ce programme facilite le financement de la dette publique : l’institution européenne va acheter des obligations d’États pour rendre possible leurs plans de relance budgétaire à des taux raisonnables. Les annonces de la BCE ont permis de réduire le coût de l’endettement pour l’Etat français, italien ou espagnol. 

Cela nécessite une autre adaptation du système monétaire international : il s’agit d’éviter la pénurie de dollars, principale monnaie utilisée dans le commerce internationale. Pour y parvenir, la FED et ses homologues internationales ont adopté des accords de swaps interbancaires pour se prêter mutuellement les devises nécessaires au bon fonctionnement des échanges internationaux.

Mais pour faire face la crise, la politique monétaire n’est pas suffisante, elle nécessite d’être associée à une politique budgétaire adéquate. Actuellement, une politique de relance est de mise pour réduire les risques de faillites et maintenir les capacités de production. Les Etats ont entre autres mis en place des garanties de prêts bancaires pour donner aux acteurs financiers toute l’assurance dont ils ont besoin pour soutenir l’économie par de l’aide à la trésorerie. 

Le risque est que la BCE assure la liquidité des banques mais que ces dernières, en raison d’une crise de confiance, refusent de prêter aux entreprises et donc de financer l’économie réelle. Avec la garantie des prêts, c’est l’État qui porte le risque crédit, incitant ainsi les banques à faire des prêts.

3) Redonner de la flexibilité aux institutions financières

La crise de 2008 a entraîné un renforcement de règles de prudence qui s’imposent aux institutions financières. Il s’agit de l’Accord de Bâle III pour les banques et d’une série de normes très complexes sur la solvabilité des assurances et sur les garanties offertes sur les marchés financiers par les échanges d’appels de marge et la compensation centrale.

Ces normes obligent les banques à sanctuariser une partie de leur capital, leurs fonds propres, pour les rendre autonomes dans la gestion de crise. Au fond, on a obligé le secteur financier à prendre lui-même toutes les mesures économiques nécessaires à s’assurer contre les crises qu’il connaît.

Dans la situation hors-norme de cette pandémie, les autorités de contrôle bancaire desserrent un peu l’étau : pour préserver la liquidité interbancaire, les exigences prudentielles sur les établissements de crédit sont moins fortes. Par exemple, en France, le Haut Conseil à la Stabilité Financière a ramené à 0% l’exigence en fonds propres au titre du « coussin contra-cyclique ». Cela revient à annuler, pour les banques, l’obligation de mettre du capital de côté pour faire face à un choc. 

2020 revient partiellement sur la philosophie de 2008 : devant une crise d’une telle ampleur, et qui n’est pas d’origine financière, la stabilité financière devient un effort conjoint du secteur financier qui doit se doter en capital et de la puissance publique, prêteuse en dernier ressort. Cela se traduit au niveau mondial par le report de la mise en oeuvre des mesures de Bâle III qui avaient été finalisées ces trois dernières années.

L’ensemble de ces mesures ont été prises dans l’Union européenne assez rapidement par les Etats-membres, la Commission et de la BCE. Si bien que la confiance a été préservée : le 25 mars 2020, le CAC 40 a repris 8,4 %. Cependant, la confiance sur les marchés ne sera réellement et durablement rétablie qu’une fois la crise sanitaire résolue. Cela ne dépend pas des politiques monétaires et budgétaires qui agissent  sur les conséquences du problème principal.